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A quatre heures d'intervalle, deux courses mythiques du sport automobile, les 500 miles d'Indianapolis et le Grand Prix de Monaco de Formule 1, s'élanceront dimanche, mais le pont sur l'Atlantique est difficile à construire tant ces deux championnats sont sur deux planètes différentes, à des années-lumière.
Entre l'ovale le plus célèbre du monde, vitrine de l'Indycar -- championnat de monoplaces le plus populaire des Etats-Unis -- et le circuit urbain de légende de la Principauté, porte-drapeau de la Formule 1, peu de pilotes trouvent des points communs.
"En F1, il faut juste être dans la meilleure voiture. Quand j'ai failli remporter le titre (chez Williams), on était proche pendant toute la saison, mais je n'avais pas une Ferrari qui pouvait dominer. J'ai réalisé que pour gagner en F1, peu importe ton niveau, il faut être au bon endroit au bon moment. Ce n'est que ça", avance le Colombien Juan Pablo Montoya, lui qui a coupé les ponts avec la F1 dès 2006.
Pour les Américains, mordus de suspense et de retournements de situation, l'impression que la performance de la voiture est plus importante que la performance du pilote constitue donc l'une des raisons du peu d'attrait pour la F1.
"Les audiences télévisées aux Etats-Unis sont très faibles pour la F1, le Nascar (la discipline de course autola plus populaire aux États-Unis, ndlr) est 20 fois plus suivie", explique Eddie Cheever , ancien pilote de F1 dans les années 1980, vainqueur des 500 Miles et désormais consultant sur ESPN.
Mais pour les pilotes qui ont réussi à mettre un pied dans un baquet de Formule 1, hors de question de repartir vers les Etats-Unis, à l'image du Mexicain Esteban Gutierez, engagée à Monaco dans l'une des deux voitures de l'écurie américaine Haas F1.
"Je suis un pilote de Formule 1 et j'entends bien le rester", coupe-t-il en Principauté, alors que son coéquipier Sébastien Grosjean semble intéressé pour quelques piges en Nascar, au volant d'une berline surpuissante engagée par son écurie Stewart-Haas.
- Investir dans un pilote US -
Gene Haas, patron de Haas F1, avance une explication bien plus technique au désamour américain pour "le championnat le plus passionnant au monde", pour reprendre l'expression de Cheever.
"La complexité de ces voitures et de ces moteurs va bien au delà de tout ce que j'avais imaginé", confie Gene Haas. C'est fascinant aussi pour les ingénieurs, c'est un vrai défi, et j'étais un peu naïf. Je pense aussi que les fans ne comprennent pas vraiment à quel point le niveau technique est élevé", explique-t-il.
En F1, les budgets sont énormes (de 100 à 300 millions d'euros par an), tout comme la quantité d'argent consacrée au développement des monoplaces, toutes différentes, alors qu'en Indycar, tout le monde a le même châssis Dallara et deux moteurs très similaires sont disponibles, le Honda et le Chevrolet. Les budgets sont 20 fois moins élevés, en moyenne.
Haas est peut-être celui qui arrivera à rétablir les contacts entre les deux côtés de l'Atlantique. Première pierre: la création de son écurie, alors que les Américains n'avait plus leur propre équipe depuis plus de 30 ans. Mais cela ne sera pas suffisant.
"Le plus important, c'est qu'un pilote américain décroche des succès. En football américain, on suit d'abord une équipe, et après les joueurs. En course automobile, c'est le contraire: on suit d'abord le pilote", prévient Cheever.
"Il y a le souci du fuseau horaire, mais surtout l'absence de pilote américain. Il faut faire comme Red Bull. C'est un investissement de cinq ou dix ans minimum", insiste-t-il.
Spencer Pigot, 22 ans, débute cette année en Indycar, face à son compatriote Alexander Rossi , auteur d'un bref passage en F1 fin 2015. Il est 100% d'accord avec Cheever: "La F1 est un énorme sport à l'échelle mondiale. Ce serait génial d'en faire partie. Gene Haas a ouvert une porte. S'il avait un pilote américain, la F1 serait plus populaire ici. C'est la prochaine étape".
Depuis 1950, il n'y a eu que deux champions du monde américains en F1, Phil Hill (1961) et Mario Andretti (1978). "Quand Mario a gagné, l'intérêt était très élevé", se souvient Cheever, "puis ça s'est effondré. Il n'y avait plus personne".