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Le tribunal de Munich a annoncé mardi qu'il mettait fin au procès pour corruption du patron de la Formule 1 Bernie Ecclestone, 83 ans, en échange d'un paiement de 100 millions de dollars par le prévenu, suscitant des réactions contrastées.
"La procédure est arrêtée, en accord avec le parquet et le prévenu, conformément à l'article 153a" du code de procédure pénale qui régit ce type de négociations, a déclaré Peter Noll, le président du tribunal.
Bernie Ecclestone était jugé depuis le 24 avril pour avoir versé 44 millions de dollars (31,8 millions d'euros) de pots-de-vins présumés, en 2006 et 2007, au banquier allemand Gerhard Gribkowsky, qui travaillait pour la banque publique bavaroise Bayern LB, en vue de conclure la vente des droits de la F1 au fonds d'investissement CVC Capital Partners.
M. Ecclestone dispose d'une semaine pour verser les 100 millions de dollars (74 millions d'euros), dont 99 millions iront dans les caisses de l'Etat régional de Bavière, tandis que le million restant sera destiné à une fondation d'aide à l'enfance.
Il s'agit d'une somme record en Allemagne pour clore une procédure, selon une porte-parole du tribunal, Andrea Titz.
- Corruption ou 'prix du silence'? -
"L'arrêt de cette procédure signifie qu'un examen sans préjugés, objectif et indépendant des débats après plus de cent heures d'instruction à l'audience (...) faisait apparaître qu'une condamnation de M. Ecclestone n'était pas probable", a expliqué la défense dans un communiqué.
Bernie Ecclestone s'est dit soulagé tout en ajoutant qu'il se sentait "un peu bête". "Finalement ce qui s'est passé est à la fois une bonne et une mauvaise chose - la bonne chose est que le juge a plus ou moins dit que j'étais acquitté. Et eux (l'accusation) qu'ils n'avaient pas vraiment de preuve", a-t-il déclaré à l'agence britannique Press Association.
"J'ai donc été un peu bête d'avoir fait ce que j'ai fait pour parvenir à un réglement car le problème n'était pas avec le juge mais avec l'accusation". "Quoi qu'il en soit c'est fait et c'est terminé, donc ça va. Je suis satisfait, tout va bien", a-t-il ajouté.
Les trois avocats du milliardaire ont contesté les termes de "marchandage", d'"arrangement" ou de "liberté achetée" pour qualifier cette fin de procédure.
"Une condamnation du prévenu pour corruption, dans l'état actuel des débats, n'était pas probable", a aussi estimé le tribunal. "En dépit du fait qu'il puisse demeurer des soupçons contre le prévenu, la chambre a pris en compte dans sa décision son âgé avancé, son état de santé, les contraintes considérables que représentait la participation aux audiences dans un pays étranger, avec les problèmes de langue qui y sont liés, ainsi que l'attention publique" entourant l'audience, a par ailleurs souligné la juridiction.
Paradoxalement, la défense a monnayé un abandon des poursuites alors que Bernie Ecclestone n'a cessé de nier les charges retenues contre lui. Apparu fringant à l'ouverture du procès en avril, le milliardaire n'avait manqué aucun jour d'audience.
- Logique marchande -
Bernie Ecclestone ne contestait pas avoir payé 44 millions de dollars à M. Gribkowsky, mais il présentait cela comme le "prix du silence" pour que ce dernier ne fasse pas de révélations gênantes sur son patrimoine au fisc britannique. Entendu mi-mai, le banquier allemand avait maintenu ses accusations de corruption.
L'homme d'affaires britannique, fils d'ouvrier dont la fortune est évaluée à environ quatre milliards d'euros, préserve ainsi la virginité de son casier judiciaire et devrait poursuivre son règne sur les intérêts de la Formule 1, entamé il y a quarante ans.
L'arrêt du procès a été diversement accueilli en Allemagne, pourtant habituée aux tractations en correctionnelle. Déplorant qu'on puisse "acheter la justice", certains médias et responsables politiques ont réclamé un changement de législation.
"La logique marchande imprègne un peu plus profondément l'Etat de droit", a regretté mardi soir le quotidien Süddeutsche Zeitung, pour qui l'issue d'un procès "dépend visiblement de ce que le prévenu est disposé à payer à l'Etat". Par avance, le journal avait dénoncé une opération de "blanchiment judiciaire".
Plus mesuré, le journal Frankfurter Allgemeine Zeitung a réfuté l'idée d'une "justice à deux vitesses", et y voit le reflet d'une "cuisine quotidienne" destinée à "désengorger les tribunaux". Le quotidien se demande cependant, sans trancher, si cet accord satisfait réellement "l'intérêt public".
Le site internet de l'hebdomadaire Der Spiegel, également attaché à la tradition allemande de négociation, regrette néanmoins que la "vérité des faits reste au bord de la route" et rappelle que Gerhard Gribkowsky purge, de son côté, une peine de huit ans et demi de prison.
Laconique, le journal populaire Bild s'était contenté lundi de citer le réalisateur serbe Emir Kusturica : "Quand tu ne peux pas régler un problème par de l'argent, tu peux toujours le régler avec encore plus d'argent".
Plus de titres : 5 par Yoann Bonato (2017, 2018, 2020, 2021 et 2023). Copyright Sportquick/Promedi ... |