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Moteur rugissant à plein régime, le 4X4 Toyota de l'organisation du Dakar-2015 progresse lentement sur la crête des dunes, comme un gros scarabée malhabile, cherchant une issue dans ce qui ressemble à un labyrinthe sans fin.
Le véhicule se trouve au coeur d'une immense mer de sable à l'est d'Iquique, dans le nord du Chili, avec les trois autres pick-ups des organisateurs du célèbre rallye auto-moto. Objectif de cette incursion dans ce chaos lunaire et désertique: rédiger le road-book qu'utiliseront les concurrents de la prochaine édition du rallye-raid, en janvier 2015.
Les mots "tout terrain" prennent ici tout leur sens. Les pistes les plus proches sont à des dizaines de kilomètres et le 4X4 progresse lentement dans un territoire foncièrement hostile, secoué comme une coque de noix dans le raz Blanchard lors d'une tempête hivernale.
Jean-Pierre Fontenay est au volant, jouant habilement des deux boîtes de vitesse du véhicule. Avec 21 Dakar au compteur, dont une victoire en 1998, il est l'un des meilleurs spécialistes mondiaux de ce type de conduite.
Avec calme, il analyse la configuration des sols devant lui, tentant d'évaluer la consistance du sable, à l'affût du moindre passage. Au cours des derniers jours, le bolide s'est pourtant "planté" à plusieurs reprises, châssis posé sur le sol, s'enfonçant un peu plus à chaque tour de roues.
- Baquets de F1 -
Mais la maîtrise de ces équipages est étonnante et les véhicules ont chaque fois été dégagés. Jusqu'à vendredi dernier, lorsque l'un des 4X4 s'est engagé dans une immense dune dominant le Pacifique: arrivé à mi-pente, le pilote et son copilote ont prudemment abandonné leur monture, la déclivité ne permettant ni de poursuivre la descente... ni de remonter!
Sanglés dans des sièges baquets comme des pilotes de Formule 1, les passagers des quatre véhicules continuent cette "reco" (reconnaissance) surréaliste dans un paysage de toute beauté, sous un ciel uniformément bleu, survolés de temps à autre par des condors.
Assis à côté de Jean-Pierre Fontenay , Pablo Eli prend des notes et dessine des symboles pour illustrer ce qui deviendra la "bible" des coureurs.
"La rédaction du road-book est un élément essentiel de la sécurité du Dakar, souligne Etienne Lavigne, le directeur de l'épreuve. Le Dakar est à la fois une course de vitesse et une course d'orientation. Les meilleurs sont des as de la navigation."
Jean-Pierre et Pablo signalent chaque danger, sur une échelle de 1 à 3. Le moindre d'entre eux ferait immédiatement renoncer n'importe quel conducteur doué de raison, mais les concurrents du Dakar évoluent dans une autre dimension.
- Chute libre -
"Accrochez-vous, on va descendre cette dune". Jean-Pierre Fontenay doit être devenu fou. Le soleil, peut-être? Non, on ne peut décemment pas faire basculer la voiture dans cette pente, elle va évidemment se retourner car à ce stade, ce n'est plus du tout-terrain mais de la chute libre.
Mais bien sûr ça passe. Enfin, pour la voiture, le pilote et son copilote. Le malheureux journaliste arrimé à l'arrière, livide, a l'estomac au bord des lèvres et se demande ce qu'il est venu faire dans cette galère.
57 ans, marié et père de deux garçons "pas du tout intéressés par la course automobile", Jean-Pierre Fontenay a derrière lui sept années de "recos" du Dakar et ne se pose pas ce genre de questions.
"J'ai pris beaucoup de plaisir à courir mais, à un moment, j'ai réalisé que j'avais atteint la limite, qu'il était temps de passer à autre chose, confie-t-il avec modestie. Je ne pouvais plus gagner, il y avait des gens plus forts, plus motivés."
"Je ne regrette rien car je peux aujourd'hui utiliser mon expérience sans avoir la pression de la course", ajoute-t-il, avant d'enclencher une vitesse et de repartir de plus belle. Au grand désespoir du journaliste qui aurait bien continué à pied...
Plus de titres : 5 par Yoann Bonato (2017, 2018, 2020, 2021 et 2023). Copyright Sportquick/Promedi ... |