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Jens Thor Sigurdarson franchit la ligne d'arrivée, épuisé et affamé: il vient de finir trois jours non-stop d'une course cycliste de 1.358 km qui fait le tour de l'Islande, sous le soleil de minuit.
"C'est exactement aussi difficile que je m'y attendais", dit cet Islandais de 37 ans, perclus de crampes et tenant à peine debout.
Vendredi, lui et ses coéquipiers sont donc venus à bout du Cyclothon 2015, une course annuelle organisée par la compagnie aérienne islandaise WOW, sur la Route 1 qui ceinture toute l'île volcanique.
Partis de Reykjavik mardi en fin d'après-midi, ils sont arrivés trois jours plus tard dans la banlieue sud de la capitale islandaise, à Hafnarfjordur, après des heures de faux plats et de routes de montagne.
Le paysage en valait la peine: cimes enneigées et glaciers immenses, champs de lave, paisibles prairies humides en bord d'océan, fjords et geysers, éclairés par un soleil qui ne se couche jamais à cette époque de l'année.
Au total, ils étaient près de 1.160 concurrents au départ, venus d'au moins onze pays, dont le Canada, la France, la Suisse, la Russie ou les États-Unis. En solitaire ils avaient 84 heures pour arriver, et par équipes (masculines, féminines ou mixtes) 72 heures maximum.
- 'Un truc de maso' -
La course en solitaire "doit être une sorte de truc maso que je ne peux pas comprendre", sourit Benedikt Ingi Tomasson, membre de l'organisation.
Par équipes (de quatre ou dix coureurs), les cyclistes se relaient. Lors d'une sorte de jour sans fin, ils se ravitaillent et se reposent dans le camping-car qui les suit, plein à craquer de nourriture et d'eau, de vélos de rechange et de pièces détachées.
Sur certaines portions du parcours, des longs pelotons se forment. Plus loin, d'autres pédalent seuls, dans un parfait silence, toujours suivis par leur véhicule accompagnateur.
L'équipe de Jens Thor Sigurdarson a procédé avec rigueur pour arriver dans le temps imparti. "On était une équipe de 10 hommes et on pédalait à chaque fois dix à quinze minutes, par groupe de cinq. Et on essayait de dormir une heure tous les cinq à six heures", explique-t-il.
"C'est ça qui s'est finalement révélé le plus difficile, on s'est beaucoup fatigué", analyse le coureur. "On a été peu nombreux à vraiment dormir. En fait on s'est juste allongé pour essayer de se détendre et se requinquer."
Laurent Sester, leader de l'équipe suisse Spirit of Biel-Bienne, a lui eu du mal à trouver du repos lors de ces longues nuits trop claires: "Quel repos ?", plaisantait-t-il à mi parcours. "C'est difficile, surtout quand on vient d'un pays qui comme la Suisse ne connaît pas le soleil de minuit."
- Soupe de poissons -
Dormir et manger dans un minibus ou un camping-car lui a paru un inconvénient mineur. "Pour notre équipe, un groupe d'amis, la cohabitation dans un si petit espace n'est pas un problème. Mais après simplement quelques heures ça s'est transformé en vrai bazar".
Plus durs furent le terrain et le rythme imprimé part les équipes les plus rapides. "Le tempo nous a paru incroyablement élevé (...) On ne s'attendait pas vraiment à ça", admet le coureur helvète.
Jens Thor Sigurdarson en convient aussi. "Il y avait quatre équipes très fortes et ça a commencé avec de petites attaques très tôt. Une vitesse élevée dès le début!"
La plupart avaient opté pour des vélos de route, passant juste à des vélos tout-terrain en fibre de carbone sur certains passages montagneux dans l'Est de l'île.
Dans le petit village de Djupivogur (sud-est), un groupe d'une quarantaine de coureurs s'est en tout cas offert une pause, invités à boire une soupe de poissons par une autochtone de 68 ans, Gudny Ingimundardottir. "Ils avaient faim", a-t-elle expliqué au quotidien Morgunbladid.
Les équipes les plus rapides sont arrivées après 36 heures, un peu avant 08h00 du matin jeudi, sous un soleil radieux. Pour boire le champagne, le vainqueur en solitaire, l'Allemand Matthias Ebert (parti lui lundi soir), a dû attendre quelques heures de plus. Son temps: 61 heures 53 minutes.