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Les cheveux sont poivre et sel, la voix plus douce, mais franc-parler et tempérament restent intacts: à 60 ans - ce vendredi 14 novembre - Bernard Hinault se décrit comme un homme comblé par "une vie de rêve".
"Si demain on me dit +tu as 20 ans, tu recommences+, je refais la même vie", affirme-t-il avec aplomb. "J'ai une vie de rêve, je souhaite à tout le monde d'avoir une vie comme moi".
C'est à Lanjunais, une grande ferme rénovée, sur la commune de Calorguen, dans ses Côtes-d'Armor natales, que vit l'un des sportifs préférés des Français, avec Martine, qu'il a épousée il y a 40 ans.
Dans l'entrée, sur un étendoir, sèchent gants, shorts et maillots de cycliste. Derrière, une vitrine avec des coupes et des médailles rappelle l'incroyable palmarès du champion (5 Tours de France, 3 Tours d'Italie, 2 Tours d'Espagne).
Mais s'il regarde encore avec plaisir les images de sa carrière, Bernard Hinault n'est pas homme à faire de sa maison un musée.
Il avait acheté la bâtisse dès 1983, bien avant sa retraite sportive soigneusement préparée.
"Six ans avant, j'ai dit: +Je m'arrêterai tel jour+ (il l'a fait le 9 novembre 1986, ndlr). On a fait une belle fête, pas un enterrement, et le 19 j'étais déjà chez ASO", l'organisateur du TOUR DE FRANCE, qui l'emploie pour ses relations publiques, se souvient-il.
Il s'était donné jusqu'à 32 ans, pour ne pas faire la saison de trop comme Anquetil ou Merckx. Il aurait pourtant pu devenir le premier coureur à gagner un sixième Tour.
"Est-ce que ma vie serait plus belle ? Est-ce que je serais plus heureux si j'avais fait deux ans de plus ? J'aurais peut-être regagné le Tour, mais c'est pas un regret du tout", jure-t-il.
- Les vaches et "Le Blaireau" -
A sa descente de selle, il a partagé son temps pendant vingt ans entre l'élevage de 150 vaches charolaises et ASO, remisant son vélo au garage.
"J'avais pas le temps ! (Entre ASO et ma ferme) je travaillais 360 jours par an ! Tu vas pas aller faire du vélo les cinq jours qui restent", explique-t-il.
Il y a quelques années, "le Blaireau", comme on le surnomme, a décidé de s'accorder une vraie retraite. Il a vendu toutes ses bêtes et repris le vélo sur les routes du coin.
"Je roule deux ou trois fois par semaine, entre 80 et 100 km" à chaque fois. C'est le "même plaisir, même si on va moins vite".
Dans sa carrière, il ne saurait choisir une victoire plus belle qu'une autre. "J'ai pris le même bonheur à chaque fois. Même quand tu gagnes une petite course autour d'un clocher. C'est le plaisir de la gagne. Il faut avoir été compétiteur pour le sentir".
Il est capable de vous raconter avec précision toutes ses courses, jusqu'à la première, à 16 ans, gagnée au sprint devant un cador local.
"Il avait gagné 12 ou 13 courses. C'était le meilleur cadet des Côtes-d'Armor, peut-être même de Bretagne. Je suis parti de la maison en disant à ma mère +Je vais te ramener un bouquet+. Ma mère m'a dit +espèce d'innocent va ! Ça va pas dans ta tête ? Tu crois que tu vas gagner ta première course ?+ Et hop !", raconte-t-il avec malice.
- Papy -
Autour d'un café, dans sa salle à manger, il évoque ses grandes rivalités: avec l'Américain Greg LeMond , Laurent Fignon , mais surtout le Néerlandais Joop Zoetemelk . Six fois deuxième du Tour, dont trois derrière Hinault: "C'est lui qui m'a donné le plus de fil à retordre".
Aujourd'hui, ils sont amis. L'an dernier, ils sont partis en vacances dans les Antilles néerlandaises et ont monté l?Alpe d'Huez pour le Téléthon hollandais, finissant main dans la main: "C'est ça l'esprit du sport".
Et le dopage ? "Ça fait mal à tous ceux qui aiment le vélo. Mais il faut aller voir dans tous les sports. Le cyclisme n'est pas plus pourri que les autres (...) On s'acharne toujours sur le vélo", argumente-t-il.
A la mention de Lance Armstrong , son ton se fait dur. Aujourd'hui, s'il le croisait, il ne "lui (dirait) rien, même pas bonjour".
Dernier vainqueur français du Tour, en 1985, Hinault se désole de ne pas avoir de successeur.
"On n'a pas le coureur complet capable de rouler à 50 km/h et de faire jeu égal avec les meilleurs grimpeurs. On a plein de bons qui ont du tempérament. Mais même avec du tempérament, si t'es pas meilleur que les autres tu ne peux pas gagner", tranche le champion.
Icône des années 70-80, il accepte de bonne grâce les sollicitations du public: "Bien sûr qu'il y a des gens qui disent +Oh! Bernard Hinault +, mais ça fait partie de ta vie. Je vais pas mettre une perruque et une moustache pour me cacher des gens".
Et s'il assure ne pas avoir vu le temps passer, la naissance de son premier petit-fils, Armand, le 1er novembre, va peut-être changer la donne: "C'est peut-être là que ça va me faire drôle, quand il m'appellera papy pour la première fois. Mais on s'y fera. A 60 ans, qu'on t'appelle papy, c'est naturel".