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© AFP/Joël Saget
Le maillot jaune du TOUR DE FRANCE, le Britannique Chris Froome, lors de la 20e étape, le 20 juillet 2013
Les impressionnantes performances du maillot jaune Chris Froome sur le TOUR DE FRANCE 2013 ont suscité interrogations et polémiques, nourries par une recrudescence inédite de chiffres et de modèles mathématiques.
"Depuis quatre ou cinq ans, on sent que la demande d'analyse des performances est croissante d'année en année, surtout sur le Tour avec les affaires de dopage, les années Armstrong...", souligne Frédéric Grappe, docteur en biomécanique et entraîneur depuis 2000 de l'équipe FDJ.fr.
"Aujourd'hui, on rentre beaucoup plus dans les détails, ajoute-t-il. On atteint le sommet, pas forcément en termes d'analyse mais pour chercher à comprendre ce qu'il se passe. Le TOUR DE FRANCE est une loupe".
Cette prolifération des chiffres a commencé en amont du Tour, avec notamment la publication du magazine "Tous dopés ?" dirigé par Antoine Vayer, ancien entraîneur de l'équipe Festina.
Il y résume plusieurs années de travaux -essentiellement basés sur des modèles mathématiques- sur les performances de 21 coureurs depuis Greg LeMond juqu'à nos jours et leur puissance déployée sur les plus grandes ascensions.
Les chiffres, preuve irréfutable ?
"L'analyse de la puissance m'a permis d'optimiser l'entraînement (chez Festina) mais également de constater les effets du dopage. Dans certaines situations de course, on peut dire que pour un coureur, pousser tant de puissance n'est pas possible. Les watts ne révèlent pas la cause mais la conséquence du dopage", expliquait-il le 5 juillet à l'AFP.
Vayer a posé des seuils au-delà desquels il juge les performances anormales: à 410 watts, une performance est "suspicieuse", à 430 watts elle est "miraculeuse" et à 450 watts elle est "mutante".
Ainsi, dans son ascension record de l'Alpe d'Huez en 1995, Marco Pantani a développé 468 watts, Lance Armstrong 455 dans sa montée d'Hautacam en 2000, Alberto Contador 491 dans la montée de Verbier de 2009...
Sur le Tour 2013, il a posé des "radars" qui lui ont permis de conclure que dans le Ventoux, Froome avait été plus fort que les "mutants" Armstrong et Pantani.
"C'est un record du monde sur cette ascension, au moins dans ce type de configuration et de circonstances de course, à l'issue de la plus longue étape du Tour 2013 et au bout de cinq heures d'efforts avant d'attaquer le Ventoux", explique-t-il.
Mais coureurs comme experts soulignent les limites de ces calculs érigés par Vayer en preuve irréfutable du dopage.
Fixer un seuil absolu au-delà duquel se décrète le dopage est "scientifiquement et intellectuellement malhonnête", souligne Frédéric Grappe en pointant les limites de l'exercice.
Interprétation
Il a été sollicité pour décrypter certaines données physiologiques (puissance, capacité aérobie, poids...) de Froome depuis deux ans, fournies par son équipe Sky. Il en a déduit que le vainqueur du Tour avait "des performances cohérentes" sur cette période.
"J'ai analysé un profil partiel biomécanique entre 2011 et 2013. Je ne dis pas qu'il est dopé ou pas, et je ne peux pas le dire. Tout ce que je peux dire, c'est que le coureur est resté le même depuis 2011", souligne-t-il, en regrettant l'utilisation faite parfois de ses conclusions: "Tout le monde s'empare de cette analyse et les gens l'interprètent dans le sens où ils veulent l'interpréter".
"Mon analyse a évidemment été détournée en +dopage ou non+, c'était un risque à prendre, explique-t-il. Si on veut faire avancer les choses, il n'y a pas le choix. Si j'avais refusé de le faire, on n'en aurait jamais parlé".
Chez les coureurs, la mise sur la place publique de leurs données, et leur incontrôlable récupération, n'est pas toujours appréciée, d'autant qu'elle n'est faite pour aucun autre sport.
"Cette nouvelle mode de donner des calculs et des chiffres fait beaucoup de mal au cyclisme. La vérité est différente", estime le Français de l'équipe AG2R Samuel Dumoulin .
"Frédéric Grappe est mon entraîneur, mais je pense qu'il n'avait pas à rentrer dans un débat comme ça, estime-t-il. Dans les autres sports, on ne fait pas ça. Avant on cherchait des histoires de dopage, là on a cherché des manières indirectes de décrédibiliser la performance. La réalité est que Froome a été plus fort".