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Deux dures expériences japonaises ont donné la force à François Pervis, l'atout numéro un du sprint français dans les Championnats du monde qui durent jusqu'à dimanche à Cali, en Colombie.
"Si je n'étais pas allé au Japon, je ne serais pas champion du monde ou recordman du monde", estime le "samouraï" lavallois de 29 ans qui a pulvérisé en décembre dernier les records du monde du 200 m lancé et du kilomètre départ arrêté.
Pervis a participé pour la première fois à la tournée du keirin réservé aux coureurs étrangers en 2010: "Je suis revenu un peu plus fort mais je ne mettais pas des braquets énormes là-bas. C'est en 2012 que j'ai eu le déclic. Je venais de prendre une grosse claque de ne pas être sélectionné aux JO (de Londres), j'en ai eu marre de passer toujours à côté de tout, même si depuis 2006 je faisais toujours deuxième ou troisième aux championnats du monde".
Le Poulidor du sprint, "le mec qui n'avait pas l'étincelle de gagner" selon sa propre expression, s'inspire d'un pays traumatisé, meurtri par ce qui s'est passé l'année précédente: "Fukushima, le tsunami, les tremblements de terre, les typhons... les Japonais ont tous les malheurs du monde mais il ne se plaignent pas. Ils sont très dignes, très forts mentalement. Un coureur que je connais très bien habitait à 20 kilomètres de (la centrale nucléaire de) Fukushima. Il n'a rien pu reprendre de sa maison, pas même ses photos d'enfance, il a recommencé une nouvelle vie".
- "Ce sont des gladiateurs" -
Isolé pendant de longues semaines, Pervis se remet en question mentalement: "Je me suis dit: tu fais du sport, tu voyages, tu fais deux fois par an le tour du monde, arrête de te plaindre. J'ai pensé à ma mère qui est à l'usine depuis 35 ans en étant payée au SMIC. J'ai décidé de voir les choses du bon côté".
Le keirin made in Japon a pourtant de quoi éprouver son homme.
"Les courses sont très dures physiquement et psychologiquement. Les sprints sont lancés aux 800 mètres, explique-t-il. Le vélo est en acier, avec des roues à rayons, la piste en béton ne rend pas, à l'extérieur et dans le vent. Ce sont des sprints à neuf, et huit Japonais sont là pour me faire perdre. On a droit au contact, on n'est disqualifié que quand on fait tomber son adversaire. Moi, je suis là pour faire du sport, eux c'est leur métier. Ils veulent ma peau, ils pensent que je vole leur argent. Avant la course, ils se jettent du sel, ils crient comme des cinglés avant de rentrer en piste. Ce sont des gladiateurs. Ils courent avec de grosses armures. Moi, je ne la mets plus, je préfère miser sur la vitesse et prendre au large".
Elle vient aussi du Japon, l'initiative du changement de braquet qui a modifié le paysage du sprint contemporain.
"Une année, raconte Pervis, un Japonais a mis plus gros que tout le monde et a tout gagné. Les autres l'ont imité, les étrangers ont suivi. On a perdu en sensation de vélocité mais, avec les entraînements adaptés, on s'est rendu compte qu'on pouvait aller vite. Les recherches des scientifiques ont confirmé qu'il ne faut pas avoir peur de mettre gros".
Tant pour la vitesse que pour le keirin, la première épreuve dans laquelle est engagé jeudi le Mayennais.