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L'Italie, après avoir coupé la semaine prochaine le ruban de l'Exposition universelle de Milan, poussera de nouveaux pions en vue d'une candidature aux jeux Olympiques de 2024, bien que l'idée fasse des vagues dans un pays lourdement endetté.
Peuplée d'une population vieillissante et parfois désabusée sur l'avenir, plombée par sa pire crise économique depuis la Deuxième Guerre mondiale, l'Italie a besoin d'un coup de fouet, d'un projet fédérateur pour se relancer, semble estimer le chef du gouvernement, Matteo Renzi.
Son attitude contraste avec celle de l'un de ses récents prédécesseurs au poste, Mario Monti. L'austère Professore avait jugé voilà trois ans qu'une candidature de Rome aux JO de 2020 ne serait "pas raisonnable" au regard de la situation du pays, alors en pleine crise de la dette.
Le danger d'un défaut de paiement semble aujourd'hui écarté et l'Italie a retrouvé la confiance des marchés financiers mais sa dette publique reste astronomique (2.135 milliards d'euros soit 132,1% du PIB) et ne commencera au mieux à décroître qu'en 2016.
Mais M. Renzi ne voit pas cela comme un obstacle: "L'Italie réunit toutes les conditions pour se mettre en jeu, sans laisser nos problèmes nous empêcher de rêver", a-t-il lancé, enthousiaste, lors de l'annonce officielle de la candidature italienne en décembre 2014.
Le projet "n'est pas fait de grandes infrastructures ou de grands rêves, mais de grandes personnes", a-t-il assuré, promettant que l'Italie serait "à l'avant-garde dans le système technique de contrôle des dépenses". La sentence du Comité international olympique est attendue à l'été 2017 à Lima.
- 'Nous méritons mieux' -
En attendant, les errances et travers de l'Expo sont recensés avec force humour noir par la page Facebook "Expo Fail". "Parce que nous méritons peut-être un peu mieux", grincent ses auteurs.
Sa laborieuse sortie de terre, émaillée de scandales de corruption mafieuse, de retards et de polémiques sur l'exploitation des jeunes, suggère que l'organisation de JO à la fois propres et bon marché n'aura rien d'évident pour l'Italie.
Or, l'organisation de jeux Olympiques d'été est "encore tout autre chose", souligne Davide Chiaroni, professeur de comptabilité et stratégie à l'université Politecnico de Milan. "Les JO de Londres ont coûté au moins 20 milliards d'euros, donc 10 fois plus que l'Expo. Par ailleurs, les infrastructures sont beaucoup plus permanentes, un village olympique, une piscine ne peuvent pas être reconvertis en parc", souligne-t-il.
"C'est un choix plus risqué mais plus prestigieux et exposé médiatiquement. Mais le risque de grand flop est également beaucoup plus élevé", note-t-il. Si M. Renzi entend malgré tout le courir, c'est selon lui dans l'espoir de déclencher un ressort psychologique, voire "émotif" chez les Italiens: "créer des émotions positives et faire revenir un climat de confiance".
"L'idée est aussi de dire +Nous sommes candidats parce que l'Italie aussi doit pouvoir avoir des aspirations+. Les éventuelles retombées en termes de vision de l'avenir, d'investissements et de consommation en seraient plus durables", juge-t-il.
Mais tous ne partagent pas la ferveur de M. Renzi: le fondateur du mouvement écolo-gastronomique Slow Food, Carlo Petrini, estime pour sa part que si les grands rendez-vous sportifs ont pu "jadis être de grandes opportunités", aujourd'hui ce n'est "pas le cas".
"Le nouveau paradigme du développement ne passe pas par la mise en place de rendez-vous coûteux qui apportent des bénéfices à court terme et souvent à peu de gens. Sans doute vaut-il mieux viser sur le long terme, parvenir à une meilleure éducation, une plus grande participation. Le temps des grands travaux comme moments salvateurs pour l'économie est terminé", a-t-il dit à l'AFP.
En outre, "la situation en Italie est déjà très compromise par le bétonnage (...). Il faudrait faire attention aux Italiens, garantir l'espace vital pour l'agriculture", poursuit-il.
Luca, un militant du mouvement citoyen No Expo à Milan est encore plus sévère: pour lui, Expo et JO participent d'un même "modèle qui a laissé le territoire dévasté par des travaux inutiles, en proie aux éboulements et inondations" et le pays assommé par une "dette toxique, au profit de quelques-uns". "Nous craignons que d'éventuels JO italiens ne soient qu'un énième massacre pour ce pays", conclut-il.