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Le débat fait rage au Japon sur le coût du futur stade olympique pour les Jeux de Tokyo-2020, au point que le gouvernement pourrait être contraint de revoir ses plans.
Jeudi, c'est l'architecte de renom Tadao Ando, président du jury pour le choix du design du nouveau stade en 2012, qui a pris la parole.
"J'ai été surpris d'entendre qu'il coûterait 252,5 milliards de yens (1,87 milliard d'euros). Vraiment?", a-t-il lancé, réclamant des "explications".
Quand le projet de l'architecte irako-britannique Zaha Hadid a remporté le concours il y a trois ans, la facture ne s'élevait alors qu'à 162,5 milliards de yens (1,2 milliard d'euros).
Entretemps, la TVA a augmenté, les prix des matériaux de construction se sont envolés, les frais de main-d'oeuvre aussi en raison d'une pénurie dans le secteur. Mais le principal coupable semble être la gigantesque double arche en acier surplombant l'enceinte.
M. Ando a appelé à sabrer les coûts: "Je pense que les entreprises de BTP devraient trouver une solution quitte à renoncer à leurs profits dans l'intérêt du public", a-t-il dit, plaisantant à moitié. "Mais nous ne pouvons pas abandonner Zaha. Si nous faisons cela, nous perdrons toute crédibilité à l'étranger", a-t-il prévenu.
- Des Japonais outrés -
Le Japon, à l'économie chancelante et à la dette colossale, peut-il vraiment s'offrir le luxe d'un stade aussi onéreux ?
Ce serait le cas échéant du jamais vu dans l'histoire du sport: à titre de comparaison, le Metlife Stadium, le stade de football des Jets et des Giants situé près de New York, a coûté 1,6 milliard de dollars (1,47 milliard d'euros), le stade des JO-2012 de Londres 680 millions de dollars (623 millions d'euros) et celui de Pékin 455 millions (417 millions d'euros).
Selon une récente enquête de la chaîne publique NHK, le montant avancé laisse pantois 81% des Japonais. La presse nippone s'est pour sa part dite "sidérée" par "ce projet irréfléchi".
Les critiques se multiplient aussi du côté des intellectuels et de la classe politique. Dans le camp même du Premier ministre conservateur Shinzo Abe, nombreux sont ceux qui ont fait part de leurs inquiétudes.
Le gouverneur de Tokyo, Yoichi Masuzoe, a également alimenté la polémique en refusant de payer la somme réclamée par le ministère des Sports - carrément taxé d'"irresponsable" - pour le financement d'un stade "à vocation nationale".
Pour éviter tout nouveau dérapage budgétaire, le ministère a d'ores et déjà décidé des aménagements: il a ainsi renoncé au toit rétractable pour les JO et diminué le nombre de sièges permanents de 80.000 à 65.000.
-'Fardeau'-
Les autorités songeraient désormais à revoir la conception ou à étendre la période de construction pour réduire la facture, rapportaient jeudi les médias nippons.
"Aucune décision officielle n'a été prise", a commenté le porte-parole du gouvernement, Yoshihide Suga, sans démentir ces rumeurs. "Nous devons faire preuve d'imagination afin d'éviter que ce soit un fardeau pour les contribuables."
Le temps presse: le stade, dont la construction doit démarrer en octobre, est censé être prêt en mai 2019 pour accueillir des matches du Mondial de Rugby. Or tout changement architectural majeur ferait probablement dérailler le calendrier.
Si le design est modifié, "il est fort probable que nous ne pourrons pas achever le stade à temps", a averti Shinzo Abe qui devrait rendre sa décision finale prochainement.
Outre son coût astronomique, le projet de Mme Hadid fait depuis le début l'objet de sévères critiques pour son esthétique.
Spectaculaire et futuriste pour les uns, ce stade imposant à l'allure de vaisseau spatial est comparé par ses détracteurs à une tortue, un casque de cycliste, voire une cuvette de toilettes vue d'en haut, et est accusé de défigurer le paysage avoisinant, de l'avis de plusieurs grands architectes japonais.
Il se dressera à la place de l'ancien Stade national, érigé pour les JO de 1964 et récemment démoli, au coeur d'un immense espace de verdure côtoyant le sanctuaire Meiji, en plein Tokyo, lieu de promenade prisé des habitants de la capitale.