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© AFP/Ozan Kose
Des volontaires déploient une banderole vantant la candidature d'Istanbul pour les JO d'été de 2020 lors de la visite de membres du comité d'évaluation du CIO au Telekom Arena Stadium d'Istanbul, le 24 mars 2013
Après quatre échecs, la Turquie espère devenir samedi le premier pays à majorité musulmane à accueillir des jeux Olympiques, même si la répression de juin autour du Parc Gezi a fait tâche sur la candidature d'Istanbul.
A quelques jours de l'attribution des JO d'été 2020 par le Comité international olympique (CIO), l'optimisme est plus que jamais de mise sur les rives du Bosphore. Face à Madrid et Tokyo, l'heure d'Istanbul doit, va sonner.
"La Turquie et les pays musulmans n'ont jamais accueilli de jeux Olympiques d'été ou d'hiver (...). Quand Istanbul deviendra une ville olympique, une nouvelle de paix pourrait balayer toute la région", rêvait lundi le ministre turc des Sports Suat Kiliç dans le quotidien Hürriyet.
"Le mouvement olympique a l'occasion de faire l'histoire", a souligné de son côté à l'AFP le président du comité de candidature stambouliote, Hasan Arat. "Regardez nos voisins", a-t-il plaidé, "400 millions de jeunes ! Ces Jeux sont tellement importants pour leur avenir et pour leur vie".
Jusqu'en juin, rien ne semblait pouvoir briser le rêve olympique d'Istanbul et de la Turquie. Une ville à la croisée de deux continents, l'Asie et l'Europe. Un pays de 76 millions d'habitants, jeune, à la santé économique insolente. Une démocratie érigée par ses dirigeants en modèle pour le monde musulman.
Mais depuis deux mois les nuages se sont accumulés sur Istanbul-2020. Les difficultés de Rio-2016 ont fait pâlir l'étoile des pays émergents. Et la récente chute de sa devise a obscurci l'horizon économique turc.
Mais surtout, les manifestations qui ont embrasé le pays en juin ont jeté une ombre sur le bilan démocratique du gouvernement islamo-conservateur de Recep Tayyip Erdogan.
Partie du combat d'une poignée d'écologistes pour un petit carré de verdure du centre d'Istanbul, la mobilisation a dégénéré en fronde contre le Premier ministre, accusé de dérive autoritaire et de vouloir "islamiser" la société turque.
© AFP/Adem Altan
Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan lors d'un discours au symposium international Ombudsman à Ankara, le 3 septembre 2013
Partisan de la manière forte, M. Erdogan a sévèrement réprimé la contestation. Au final, des centaines d'arrestations, 5 morts, plus de 8.000 blessés et une volée de critiques venue du monde entier.
Officiellement, les sursauts politiques ne sauraient influer sur le choix du CIO. Mais en coulisses, certains de ses membres n'ont pas caché leur embarras face aux images de la place Taksim noyée sous la fumée des gaz lacrymogènes et les canons à eau.
"La crise du parc Gezi a donné une mauvaise image du pays et inquiété de nombreux responsables turcs", assure Jean-François Polo, professeur de sciences politiques à l'université Galatasaray d'Istanbul.
Car pour Ankara, toute à sa volonté de s'ériger en puissance régionale, les JO-2020 constituent un enjeu de prestige, et de taille.
"Les Jeux s'inscrivent dans la stratégie des autorités qui recherchent le succès économique, politique", poursuit M. Polo: "Un échec serait unanimement considéré comme une nouvelle humiliation pour un pays qui s'efforce depuis des années d'améliorer son image, de se développer et de défendre une forme de modernité compatible avec l'islam".
Très politique, le ministre turc des Affaires européennes Egemen Bagis a déjà prévenu "ceux qui ont causé le chaos à Taksim". "Si Istanbul perd, ce sera de leur faute", a-t-il lancé.
Signe de l'importance que revêt à ses yeux la décision du CIO, le Premier ministre turc a décidé de venir lui-même à Buenos Aire pour défendre la candidature de la ville dont il a été maire. Même si son image a été sérieusement écornée.
"Nous aurions préféré ne pas traverser tout ça", a concédé le ministre des Sports en évoquant la crise des événements de juin.
Mais, à l'intention du CIO, Suat Kiliç a tenu à les dissocier des ambitions olympiques de la Turquie. "Les Jeux ne sont pas une question politique. Ils sont une cause nationale", a-t-il insisté, "ils sont aussi importants que notre adhésion à l'Union européenne".