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Ses mains asséchées par le sel ont tant frotté le cordage que leur peau s'écaille. Le Chypriote Pavlos Kontides connaît le rituel par c?ur: en moins de 30 minutes, il peut enfiler sa combinaison noire et aller faire claquer la voile de son dériveur monoplace sur la Méditerranée.
A 26 ans, ce marin au physique athlétique (1,83 m, 82 kg) s'entraîne sept heures par jour avec un rêve devenu obsession: décrocher l'or à Rio après avoir obtenu l'argent à Londres en 2012, la seule médaille olympique de l'histoire de Chypre.
Entre deux compétitions internationales, on peut apercevoir sa silhouette frôler l'écume à toute vitesse, penchée sur la coque de son "Laser" au large de Limassol, la grande ville du sud de l'île dont il est originaire.
"Quand je suis sur l'eau, je me sens libre, déconnecté du monde. Je suis seul avec la mer", confie Pavlos, visage allongé au nez droit, regard vif dans des yeux sombres, teint hâlé et barbe de trois jours.
De son sport, qu'il pratique depuis l'âge de neuf ans, il vante la rigueur et l'originalité: "Il ne ressemble à aucun autre, c'est comme faire du vélo et jouer aux échecs en même temps".
La carrière de Pavlos Kontides atteint son sommet le 6 août 2012, lors de ses deuxièmes Jeux. "C'était la première fois que le drapeau chypriote était levé. Je le revois encore virevolter avec le vent, la lumière du soleil, tout est comme au ralenti", raconte-t-il à l'AFP dans un anglais parfait.
Depuis, l'athlète -N.2 mondial dans sa catégorie- a vu sa notoriété exploser dans un pays de 800.000 habitants où les sportifs de haut niveau sont peu nombreux. Aujourd'hui, les publicitaires se l'arrachent et les autorités ont lancé un timbre à son effigie.
"Les gens m'arrêtent parfois dans la rue pour me demander une photo ou un autographe. C'est très motivant", admet-il.
"Pavlos est devenu une icône car il a prouvé que même si nous sommes un petit pays, c'est possible d'obtenir une médaille", explique Olga Piperidou Chrysaphi, directrice générale du Comité olympique chypriote.
- 'Ambassadeur' -
Le jeune homme, qui vit de sa passion grâce à ses sponsors et au soutien de sa famille, portera à Rio les espoirs de toute l'île, aux côtés des 15 autres athlètes de la délégation chypriote.
Au-delà de l'aventure personnelle, le parcours de Pavlos a permis de promouvoir la voile dans son pays, où les subventions sportives, déjà faibles, se sont encore amaigries après une importante crise financière en 2013.
Depuis son exploit, le nombre de licenciés de voile à Chypre a augmenté "de 25 à 30%" pour atteindre quelque 400 membres, auxquels Pavlos transmet régulièrement ses conseils.
"Il est devenu un ambassadeur, un modèle pour les jeunes", explique Yiannos Photiou, président de la Fédération chypriote de voile, qui a vu son budget passer de 150.000 euros à 400.000 euros par an en quatre ans.
"Le gouvernement s'est rendu compte que la voile avait plus de chances de gagner des médailles, alors il a décidé d'investir", se félicite-t-il.
Grâce à sa visibilité, Pavlos Kontides espère aussi remettre sur le devant de la scène les blessures d'un conflit oublié: celui d'une île divisée en deux depuis l'invasion de sa partie nord par la Turquie en 1974.
"Chypre est un seul pays, je me bats pour toute la nation", assure ce chypriote grec dont la mère a dû fuir sa ville natale de Kyrenia (nord) lorsque la guerre a éclaté.
Alors que les négociations entre chypriotes grecs et turcs ont été relancées, il n?abandonne pas l'espoir de naviguer un jour au large de Famagouste, dans la partie nord de l'île.
"Le sport est pacifique, il rassemble. Il peut avoir un impact et montrer que nous pouvons vivre en paix ensemble."