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Pas complexées d'être les "petites de la compétition", les joueuses de rugby à VII de Colombie, pionnières au royaume du foot, sont décidées "à tout donner" aux jeux Olympiques de Rio, pour "l'amour du jeu".
"Les JO, c'est la scène dont tout athlète rêve ! Y être nous remplit d'émotion et de fierté", lance rieuse Katerine Medina, 23 ans, en reprenant son souffle après l'échauffement.
A Rio, la Colombie, qui va affronter l'Australie, les Etats-Unis et Fidji, est -hormis le Brésil sélectionné automatiquement en tant qu'hôte- la seule équipe d'Amérique latine sur douze, année où le rugby revient aux JO pour la première fois depuis 1924.
"L'Australie... Elles sont championnes du monde, donc on a beaucoup de respect", a déclaré à l'AFP l'entraîneur français Laurent Palau, 37 ans, arrivé en 2004 "avec le rugby pour passeport". "Les USA et Fidji sont des équipes bien supérieures à nous, mais qui ont des défauts, des failles", anticipe cet ancien joueur de Draguignan (sud est).
Il "espère la 9e place" avec "une belle performance contre le Japon et le Brésil (...) Et contre le Kenya". "On sait très bien qu'on est les petits de la compétition. Mais on va y aller avec de l'ambition, de l'audace et surtout pour se faire plaisir!"
Katerine voit plus haut. "Moi, j'attends une médaille ! Qu'on dise ce qu'on voudra, l'équipe donne tout pour ça!", lance cette pétillante afro-colombienne de La Guajira (nord-est). "J'ai eu faim, j'ai manqué de tout. Mais (...) je ne regrette rien car j'ai appris à me défendre", avertit l'ailière, espiègle.
- Sur un terrain de baseball -
Ancienne sprinteuse, entraînée par son oncle "tous les jours, sous la pluie ou le soleil, dès 4h du matin", cette étudiante en ingénierie des systèmes découvre l'Ovalie à 19 ans, à l'université de Rohacha. "Des amies, qui savaient que j'avais fait de la course, sont venues me chercher. Leur équipe débutait et elles cherchaient des +rapides+."
Après dix-huit heures de car, faute de pouvoir s'offrir l'avion, elle a débarqué il y a cinq mois à Medellin (ouest). Depuis, elle s'entraîne au quotidien avec l'équipe, sur un stade de... base-ball. Le rugby colombien a à peine 20 ans et très peu de terrains dignes de ce nom. Mais il progresse et en 2014 comptait déjà 1.638 féminines sur 11.566 licenciés, selon la fédération nationale.
Certaines des 16 joueuses de la sélection olympique, réchappées de la délinquance ou choyées par la vie, viennent d'autres sports, comme Katerine ou Nathalie Marchino, 35 ans. Jambe joliment tatouée et frisettes décolorées, elle joue centre avec une impressionnante maturité de jeu.
Elle a grandi en Suisse, puis aux Etats-Unis où elle jouait au basket. Et elle se met au rugby en 2005. Son pays natal doit à un passeport américain trop récent de l'avoir récupérée. Elle en semble heureuse: "C'est une ambiance totalement différente. Ca me fascine ! C'est comme de jouer à nouveau pour l'amour du jeu".
De passe en essai, les coéquipières ne se ménagent pas, sans cesser de rire, ni de se tendre la main après un plaquage. "Les filles ont des qualités d'affect et de réflexion qui vont au delà du terrain. Cela nous permet d'avoir des athlètes plus complètes, plus réfléchies", précise Laurent, pour expliquer la qualification des filles.
- 'La mule, le pim pam poum' -
Sous un soleil de plomb, elles rejoignent une salle où le "coach" détaille des tactiques de jeu. En fond d'écran, le logo Rio 2016, tel une cible. Certaines prennent des notes.
Le préparateur physique, Camilo Andrés Garcia, 36 ans, bande une cheville. En sortant, cet ancien de l'équipe nationale des Toucans confirme que, pour oser le rugby dans un pays machiste et fanatique du ballon rond, ces joueuses "sont au dessus de la moyenne des femmes colombiennes, très fortes, très déterminées".
La "leçon" terminée, elles sortent mettre en pratique ces tactiques du "lièvre", du "pim pam poum", de la "mule", etc. Au delà des JO, leur capitaine et pilier, Alejandra Betancur, 28 ans, de Medellin, entend "développer le rugby non seulement dans (son) pays, mais dans toute l'Amérique latine". "C'est le sport d'intégration par excellence. Ici, peu importe l'apparence!", affirme-t-elle, regard clair et décidé sous sa casquette verte.
Sur un coin de pelouse, des gamins, en maillot de baseball, ont saisi un ballon. Une fillette, pieds nus, fait des passes à ses copains. La relève rugbystique est assurée!