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"Seul Dieu sait combien j'ai souffert et ce que j'ai fait pour en arriver là": lorsqu'elle s'est fait tatouer cette phrase avec des anneaux olympiques sur le biceps, la judokate Rafaela Silva, enfant de la tristement célèbre favela Cité de Dieu à Rio, rêvait d'Olympe. Aujourd'hui, elle y est.
Lundi sur la plus haute marche du podium, au moment où elle était couronnée reine des -57 kg, c'est bien de joie que pleurait cette jeune femme née il y a 24 ans et qui a connu toute sa jeunesse la violence et le narcotrafic de la "Cidade de Deus".
Alors qu'autour d'elle les armes et la drogue circulaient en plus grand nombre que les jouets, c'est son père qui décida de mettre la fillette au judo, pour la sortir de la rue.
"Je suis née dans une communauté qui ne me permettait pas de me fixer beaucoup d'objectifs dans la vie. Je suis de la Cité de Dieu. J'ai commencé à pratiquer le judo par jeu et aujourd'hui, je suis championne du monde et olympique...", constate l'athlète d'une voix étranglée, entre deux sanglots.
Plus tard, le judo est devenu pour elle "un moyen de (se) défendre" dans la favela et un moyen de grandir en évitant autant que possible les problèmes.
"J'ai connu la faim, j'ai traversé des jours difficiles, j'ai été pauvre toute ma vie... et aujourd'hui, j'ai l'or, l'or olympique!", s'émerveille-t-elle, savourant son rêve éveillé.
- Exit le fantôme de Londres -
Il est loin ce cauchemar des Jeux de Londres où elle avait été disqualifiée en huitièmes de finale pour un geste interdit. Cet échec l'avait si profondément atteinte qu'elle avait sérieusement envisagé d'arrêter le judo. Sans compter les attaques racistes dont elle a été victime sur les réseaux sociaux. "La place d'un singe, c'est dans une cage"...
Mais "les gens de Cidade de Deus ne se rendent pas!", lui avait alors rappelé un ami d'enfance.
Et Silva a retrouvé sa force de caractère.
"Ni les balles, ni les drogues, ni la pauvreté n'ont pu m'atteindre, alors un débile encore moins!", a-t-elle fièrement lancé lundi, parée de sa brillante médaille et affichant un sourire encore plus étincelant.
A l'image de sa vie, la route vers le podium fut rude à Rio, faite de combats âpres jusqu'à cette finale contre la Mongole Sumiya Dorjsuren, N.1 mondiale, battue par waza-ari.
"J'ai gagné parce que j'ai beaucoup travaillé (...) j'ai fait beaucoup de sacrifices. Ce n'est pas facile d'arriver jusque-là... Je me retourne sur mon passé et je me rends compte de tout ce que j'ai dû subir... mais ça en valait la peine!", lance-t-elle.
Dorénavant, la médaille d'or sera toujours là pour confirmer à Rafaela Silva que cette journée du 8 août 2016 où elle a décroché pour le Brésil la première médaille de SES Jeux, n'était pas un rêve.
Et désormais, elle est la preuve vivante pour les enfants des favelas qu'une autre voie est possible.
"Lutte et tu ne survivras jamais... Cours et tu ne t'échapperas jamais..." disait le réalisateur Fernando Meirelles dans son film sur la Cité de Dieu. Aujourd'hui, Rafaela Silva a prouvé que les rêves nés dans la misère peuvent aussi se réaliser.