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Sous son masque, l'escrimeuse Ibtihaj Muhammad couvre sa tête d'un foulard et combat les préjugés qui ont jalonné son parcours jusqu'à Rio où elle deviendra la première sélectionnée olympique américaine à porter un hijab.
Avant même le début des tournois individuel et par équipes de sabre féminin des JO-2016, Muhammad a déjà l'impression d'avoir, un peu, gagné.
Elle a été citée en exemple par le président des Etats-Unis Barack Obama. Elle fait partie des 100 personnalités les plus influentes de la planète en 2016 pour le magazine Time. Et elle ne compte plus ses passages à la télévision, où elle a pu raconter son parcours et tenter de changer la perception de sa religion, l'Islam.
"Le climat politique actuel n'est pas facile, les musulmans sont scrutés à la loupe et j'espère que les gens comprennent à travers moi ce que veut dire être musulmane", explique-t-elle.
Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les Américains ont une perception négative des musulmans, amplifiée par les attentats jihadistes qui ont frappé l'Europe depuis 2015.
Le candidat républicain pour la présidentielle Donald Trump ne rate jamais l'occasion de jeter de l'huile sur le feu: il a notamment proposé durant sa campagne de bannir l'entrée des Etats-Unis aux musulmans du monde entier.
- L'escrime choisi par sa mère -
Muhammad se sent agressée par les discours de Trump et rappelle à l'envi que "les Musulmanes, en particulier aux Etats-Unis, sont de couleurs différentes, proviennent de milieux variés et participent activement au fonctionnement de la société".
Durant son enfance, dans la lointaine banlieue de New York, cette fille d'un ancien policier de la brigade antidrogue et d'une éducatrice spécialisée a souvent été stigmatisée, pour la couleur de sa peau, pour sa religion.
Et comme beaucoup, à 13 ans, elle a trouvé refuge dans le sport, pas n'importe lequel, l'escrime, le seul qui a trouvé grâce aux yeux de sa mère parce que sa fille pouvait porter son hijab.
"Même là, on m'a fait comprendre que je n'appartenais pas à ce sport, car j'étais afro-américaine, car j'étais musulmane, mais je n'ai pas voulu que ces préjugés se mettent en travers de ma route", explique la diplômée en relations internationales de la prestigieuse université de Duke.
Très vite, elle "se sent tout simplement bien" sur la piste d'escrime, comme "si être derrière ce masque me permettait enfin d'être moi".
- Championne du monde par équipes -
Les résultats ne tardent pas à venir, d'abord dans le championnat universitaire, qu'elle a remporté à trois reprises, puis avec l'équipe des Etats-Unis, lors des Mondiaux 2014, d'où elle a ramené cinq médailles, dont une en or.
Privée des JO-2012 à cause d'une blessure au poignet droit, Muhammad aborde le rendez-vous de Rio à la 12e place du classement mondial.
Mais pour décrocher son visa olympique, elle a dû faire face à la peur, non pas sur les pistes, mais de ses concitoyens.
"Quand j'entendais les informations parler des Musulmans sortis d'avions à la demande d'autres passagers, j'étais en plein dans les qualifications olympiques, j'étais vraiment inquiète, je me disais +Qu'est-ce qui se passe si on m'empêche de monter dans l'avion?+", raconte-t-elle.
A 30 ans, Muhammad sait qu'elle a encore beaucoup à faire pour combattre les préjugés: en avril, à Time Square, place emblématique de New York, un inconnu l'a suivie et lui a demandé si elle était une "terroriste" venue faire "exploser quelque chose".
"Est ce que je peux changer l'image qu'ont les Américains de ma religion et influencer le débat? Je ne sais pas, je veux juste essayer d'être performante à Rio", lâche-t-elle, presque désarmée.