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© AFP/Kirill KUDRYAVTSEV
Le patron du Comité olympique russe Alexandre Joukov et Vitali Smirnov, membre du CIO, lors d'un point presse à Rio de Janeiro, le 4 août 2016
La Russie a échappé à une exclusion collective des JO-2016 mais doit désormais rétablir la confiance dans son système antidopage. Et les dénégations des autorités, associées à des réformes jugées peu convaincantes, laissent les experts sceptiques.
Pour Dick Pound, le fondateur de l'Agence mondiale antidopage (AMA), qui avait le premier enquêté sur les accusations de dopage d'Etat en Russie dans un rapport publié en novembre 2015, le premier moyen d'amorcer un changement profond d'attitude dans le sport russe aurait été d'employer plus de fermeté.
"Je pense qu'une expulsion totale aurait envoyé un message fort et apporté un changement plus rapide", explique-t-il à l'AFP, tout en disant espérer que les sanctions actuelles soient suffisantes pour enclencher de réelles réformes.
Une opinion loin d'être isolée, alors que la décision du CIO de laisser aux Fédérations la responsabilité de la présence de sportifs russes à Rio, malgré les conclusions accablantes du rapport McLaren du 18 juillet, avait été accueillie par un déluge de critiques.
- L'Allemagne de l'Est -
Sentant arriver les Jeux de Rio, alors que ses athlètes étaient déjà interdits de compétition internationale par la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF), la Russie avait pourtant multiplié les déclarations d'intention et les promesses de réformes au cours des derniers mois.
En juillet, Moscou a ainsi annoncé la création d'une commission indépendante chargée de débarrasser la Russie du dopage. Et le ministre des Sports, Vitali Moutko, s'est déplacé cette semaine au siège de l'Unesco, à Paris, pour évoquer le soutien de la Russie à la lutte antidopage.
Mais si les autorités russes insistent sur leurs volontés de réformes, elles continuent de nier officiellement les accusations du rapport McLaren, qui a démontré l'existence d'un système de dopage organisé par l'Etat russe, avec le soutien actif des services secrets, de 2011 à 2015.
"Je ne sais pas comment ils peuvent totalement nier cela", s'interroge l'historien des jeux Olympiques Bill Mallon, selon qui les preuves de l'implication des autorités russes sont "vraiment claires".
"C'est comme si les Allemands de l'Est en 1985 essayaient de nier (s'être dopés) alors que tout le monde le savait", ajoute-t-il.
Si il n'y a pas eu d'excuse officielle, la Russie aurait pourtant reconnu certaines fautes, selon Craig Reedie, le patron de l'AMA, mardi, dans son discours devant le CIO.
- Restaurer la confiance -
"Je suis heureux d'apprendre que la Russie a reconnu comme véridiques les informations des deux rapports demandés par l'AMA (NDLR: celui du 9 novembre 2015 et celui du 18 juillet, le rapport McLaren) et a admis qu'elle avait un problème spécifique", a déclaré M. Reedie, citant une source d'un très haut niveau politique en Russie.
Pour la Russie, l'objectif après les JO sera de restaurer la confiance en son système de lutte contre le dopage, seule solution pour permettre la ré-accréditation du laboratoire antidopage de Moscou et de l'Agence antidopage russe (Rusada).
Mais même si une poignée de bureaucrates, dont la collaboratrice de Vitali Moutko pour la lutte antidopage, Natalia Jelanova, ont été suspendus dans la foulée du rapport McLaren, les principaux responsables sont toujours en place. Moscou avait pourtant promis de suspendre tous ceux directement impliqués dans ce rapport.
Même le premier d'entre eux, Vitali Moutko, n'a pas été inquiété, malgré les accusations du juriste canadien. Mais il n'y a aucune preuve contre lui, estime le Kremlin.
- Smirnov, patron des JO de Moscou -
Pour diriger sa commission contre le dopage, Moscou a nommé Vitali Smirnov, 81 ans, directeur du Comité d'organisation des JO de Moscou en 1980 et président honoraire du Comité olympique russe.
De même, la plupart des membres de cette commission sont des habitués des postes à responsabilité dans le monde du sport, du secrétaire général de la Fédération russe d'athlétisme (Araf) Mikhaïl Boutov au patron de la chaîne de télévision pro-pouvoir Pervyi Kanal, Konstantin Ernst.
La Russie a certes évoqué l'éventualité d'intégrer des étrangers à cette commission, mais aucun n'y a encore été nommé.
"Cela aurait été mieux s'il y avait eu des nouvelles têtes. Les gens auraient eu plus confiance", estime Bill Mallon, en soulignant que Vitali Smirnov avait déjà des responsabilités à l'époque soviétique, alors que "la Russie et l'URSS ont le même problème avec le dopage".
Ce dernier a d'ailleurs entamé sa mission en appuyant les dénégations officielles. "Il n'y a pas eu, il n'y a pas et il n'y aura pas de système d'Etat qui soutient le dopage", a-t-il déclaré en prenant la direction de sa commission.
Pour Bill Mallon, de nouvelles preuves vont cependant apparaître au cours des prochaines enquêtes de l'AMA, et "il faudra dire (aux Russes): +Faites ça, ça et ça, nous ne voulons pas de Smirnov, nous ne voulons pas de Moutko+".
"Il faut laisser ces gens, qui sont des mauvais joueurs depuis le début, en dehors du système", estime-t-il.