Happy Birthday : |
Il a fallu 16 ans à la boxe française pour trouver un successeur à Brahim Asloum , son dernier champion olympique, et c'est une femme, Estelle Mossely, qui est entrée vendredi dans l'histoire, en attendant d'être imitée par son compagnon Tony Yoka.
De cette journée prolifique pour la boxe tricolore, il restera l'image d'un drôle de chassé-croisé en tribunes, mélange d'anxiété, d'encouragements et de joie immense.
D'abord Estelle Mossely qui, poings bandés et en tenue de combat, rongeait son frein sur une chaise du Rio Centro 6, chaperonnée par son kiné en regardant Yoka se qualifier pour la finale des super-lourds.
Puis, une heure plus tard, Yoka, encore transpirant, serviette autour du cou, cheville strapée, et ne sachant plus sur quel pied danser pour pousser sa compagne vers une médaille d'or olympique le jour de ses 24 ans.
"J'inscris mon nom dans l'histoire", s'extasie Mossely, qui quatre ans après l'introduction de la boxe féminine au programme olympique, devient la première Française récompensée, catégorie -60 kg.
"C'est magique. C'est incroyable à vivre. Je ne savais pas que ça allait me faire ça", souffle-t-elle encore.
- "Des lionnes" -
La licenciée du Red Star Champigny (Val-de-Marne) a dû s'employer face à la Chinoise Yin Junhua, en tête après les deux premiers rounds avant de subir les assauts d'une Mossely en mode guerrier.
"Aux troisième et quatrième rounds, je me suis arrachée", témoigne Mossely. "Je savais que j'étais derrière, mais je voulais montrer à quel point j'avais envie de ce titre, que j'étais plus forte que l'adversaire."
C'est donc cette détermination à rafler l'or qui lui a permis d'enfin prendre le relais d'Asloum, sacré en -48 kg à Sydney en 2000 et que les archivistes cesseront d'évoquer.
"Ca c'est fini", s'exclame Asloum, présent à Rio en tant que commentateur pour la télévision. "On est en 2016 et on a une nouvelle championne olympique française. J'allais pas attendre d'avoir 65 ans, ça m'aurait embêté."
Et d'ajouter, larmes aux yeux: "C'est magnifique. Avec Sarah (Ourahmoune, qualifiée pour la finale des -51 kg samedi), ce sont de belles ambassadrices, des lionnes".
Comme beaucoup de boxeurs, Mossely a consenti sa part de sacrifices depuis ses débuts à l'âge de 12 ans pour concilier son parcours "normal" et celui de sportive de haut niveau. A son crédit, une belle réussite scolaire, avec un bac en poche à l'âge de 17 ans, puis universitaire.
"J'étais étudiante, je m'entraînais dur malgré tout ça. Je suis passée ingénieure en gardant cette même envie de ramener ce titre", appuie l'informaticienne, fille d'un père d'origine congolaise et d'une mère d'origine ukrainienne.
- Yoka sur un pied -
Désormais, Mossely va se muer en supportrice N.1 d'Ourahmoune, sur le ring samedi (14H00 locales, 19H00 françaises) contre la Britannique Nicola Adams , et bien sûr de Yoka, son fiancé, dont elle attend qu'il remplisse "sa part du contrat".
Celui-ci a bien géré vendredi sa demi-finale contre l'imposant Croate Filip Hrgovic, en misant sur sa mobilité pour éviter la puissance de l'adversaire. La principale inquiétude concernait sa cheville droite, tordue sur un mauvais appui lors du 3e round.
"Le médecin a voulu m'arrêter mais je n'ai pas voulu et au final ça a tenu. On va faire avec", évacue-t-il en se projetant plutôt sur son combat face au Britannique Jonathan Joyce, un pugiliste âgé de 30 ans "très physique mais assez prévisible et pas très rapide".
"Je suis à trois rounds, 9 minutes, de ma médaille d'or olympique et je ne vais vraiment pas lâcher", promet-il, prêt à "aller chercher la médaille avec les crocs".
En attendant, on se frotte les mains dans le camp français. Avec l'or de Mossely, qui s'ajoute à l'argent de Sofiane Oumiha (-60 kg) et aux médailles de bronze de Souleymane Cissoko (-69 kg) et de Mathieu Bauderlique (-81 kg), la campagne est déjà exceptionnelle.