Happy Birthday : |
Mahiédine Mekhissi, devenu le premier Français à décrocher trois médailles sur piste en athlétisme sur trois JO, est un éternel incompris, depuis son irruption au plus haut niveau à la surprise générale aux JO 2008, jusqu'à ses manifestations de joie les plus contestables.
C'est l'histoire d'un homme qui, dans la vraie vie, évolue à l'exact inverse de l'athlète qui court sur la piste.
"Les gens ont une fausse image de moi", analyse-t-il auprès de l'AFP. "Dans un stade, on va au combat, je ne suis pas le Mahiédine de tous les jours. Les gens n'arrivent pas à l'assimiler. Je trouve ça triste, parce qu'ils ont parfois peur de m'aborder. Mon caractère et mon tempérament c'est ma force: sans ça je n'aurais pas le même palmarès".
Mahiédine Mekhissi parle d'une voix douce au débit mesuré, la tête penchée et le regard chaleureux.
L'athlète Mekhissi, lui, est une machine à combattre, une boule d'énergie brute et explosive, un conquérant au regard noir effrayant.
L'athlète est né d'une incompréhension, à l'été 2008.
Ce soir-là à Pékin, en finale des Jeux, Mekhissi téléporte sa carcasse décharnée jusqu'à la médaille d'argent sur le 3000 m steeple. Un exploit inattendu pour le grand public.
Alors que Mekhissi est aux anges, se délectant à 23 ans du premier coup d'éclat de sa carrière, les interrogations affluent. Comment a-t-il fait pour en arriver là?
"Mon dopage, c'est ma foi en moi, en ma force. J'ai commencé directement avec des problèmes, je ne comprenais pas pourquoi on disait tellement de choses sur moi... ça fait que je suis l'homme que je suis aujourd'hui", raconte-t-il de nos jours.
Les rumeurs, les non-dits se sont accumulés, d'autant que Mekhissi n'est pas une bête de communication, préférant l'ombre à la lumière, le silence aux grands discours.
- Besoin de reconnaissance permanent -
Il n'en faut pas plus, souvent, pour qu'un athlète se construise dans l'opposition. Mekhissi, qui est né et a grandi dans un milieu populaire à Reims, va en faire son moteur principal.
Deux mascottes - celles des Euros 2010 et 2012 - vont payer au prix fort sa rage de vaincre, valdinguant cul par dessus tête, alors que le Français célèbre ses succès en les poussant avec trop d'énergie.
En 2011 à Monaco, les caméras vont transcrire en images les non-dits qui s'accumulent autour de lui: il en vient aux mains avec Mehdi Baala dans un combat de coqs ridicule.
Les deux hommes ne se connaissaient pas, ils vont se parler et se découvrir: deux mois plus tard, ils feront ensemble les boutiques de l'aéroport de Daegu (Corée du Sud) où Mekhissi a ajouté une médaille de bronze mondial à son palmarès sur le steeple.
Le besoin de reconnaissance permanent explique aussi ce geste fou, en août 2014 à Zurich, quand le steepleur enlève son maillot avant la ligne d'arrivée de l'Euro.
Les reproches pleuvent sur ce pseudo manque de respect de la tunique. Alors que Mekhissi n'oublie jamais de rappeler son attachement profond au maillot bleu, au "peuple français", au pays qui lui a permis de devenir athlète professionnel.
L'homme Mekhissi, fiancé depuis l'été dernier, a aussi changé au contact de blessures - opération au talon puis problème au tendon d'Achille - qui l'ont tenu éloigné des stades toute l'année 2015.
"Je me suis rendu compte que je ne savourais pas assez mes victoires, mes médailles, les bons moments. Je me suis dit: +Merde, si ça s'arrête demain à cause d'une blessure, il faut des bagages, il faut des diplômes. Se construire pour assurer l'avenir.+ Avant, je ne me posais pas cette question".
En septembre 2015, Mekhissi s'est donc inscrit à l'université de Reims, pour un diplôme de manageur des clubs, tout en poursuivant son rêve olympique.
Amoureux de sa discipline, Mekhissi voue un culte aux Kényans, qui dominent la discipline depuis 30 ans. Ce qui ne l'a jamais empêché, évidemment, de voir dans cette opposition une source supplémentaire de motivation.
"Je veux être le premier à casser cette hégémonie dans un grand championnat. Le premier qui les battra entrera dans la légende et je veux en faire partie. C'est ça qui fait que je cours tout le temps".
A 31 ans, Mekhissi a encore quelques années pour réussir son pari fou. Envers et contre tous, tout le temps. Mais avec amour.