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Répondre présent le Jour J, quand d'autres passent leurs journées à se moquer de vous: Christophe Lemaitre , raillé dans sa jeunesse pour sa très grande timidité, a puisé dans la bêtise humaine une force mentale hors du commun, pour prendre sa revanche, sans rancune.
Avec la médaille de bronze décrochée jeudi aux jeux Olympiques de Rio, personne n'osera désormais se moquer de lui.
Pas comme à l'école, où, en vase clos et à un certain âge, cette expérience de vie peut s'avérer douloureuse.
"Quand j'étais plus jeune, j'aurais aimé dire ou faire des choses, mais je n'ai jamais pu. J'étais tellement timide que j'étais incapable de dire ce que je pensais", a raconté Lemaitre il y a quelques années, dans un émouvant témoignage à L'Equipe Magazine.
"Comme je ne parlais pas, j'étais une proie facile pour les autres. Je me suis fait marcher sur les pieds. On se foutait de ma gueule, j'étais le souffre-douleur".
Au point même que la souffrance engendrée a influencé et renforcé sa farouche volonté de réussir.
"Quand je me faisais insulter, je n'avais pas les armes pour répondre. Sur la piste, je joue avec les mêmes armes que les autres, et je me dis: + Je vais vous en foutre plein la gueule +".
- 50 m qui vont le lancer -
La piste, c'est son défouloir, découvert presque par hasard alors qu'il a déjà 15 ans et tâté bon nombre d'activités sportives - handball, football, et même rugby - sans grand succès.
En 2005, dans sa Savoie natale, est organisée la Fête du Sport dans le village de Belley: en l'espace d'un 50 m, qu'il court plus vite que tous les participants, quel que soit leur âge, sa vie va basculer.
Quelques mois plus tard, il rencontre au sein de l'AS Aix-les-Bains celui qui va devenir son mentor, l'entraîneur Pierre Carraz.
Ce tandem improbable, séparé par un demi-siècle d'âge d'écart, va écrire de concert l'une des plus belle pages de l'athlétisme français.
En 2010, aux championnats de France de Valence, Christophe Lemaitre descend pour la première fois sous les 10 sec au 100 m (9.98). Sa renommée va alors exploser au-delà des frontières françaises, puisqu'il devient le premier Blanc de l'histoire à briser cette barrière.
Quand on sait qu'il a lui-même souffert de discrimination dans sa jeunesse, on comprend mieux son dégoût pour ce titre de gloire qui ne l'intéresse pas.
Il refusera évidemment dans la foulée l'invitation du Ku Klux Klan, organisation raciste qui clame la suprématie de la race blanche, à une visite de courtoisie au Texas.
- Haine des légumes -
Le sprint, voilà ce qui le pousse: plus jeune champion d'Europe du 100 m en 2010, médaillé de bronze sur 200 m aux Mondiaux 2011 de Daegu, avec le record de France en prime (19.80): l'irruption de Lemaitre au plus haut niveau est stratosphérique.
Les années qui suivent seront un désenchantement: Londres-2012 est un échec, Moscou-2013 une déception, Pékin-2015 une confirmation de cet état de fait.
Mais que manque-t-il donc à Lemaitre ? Certainement pas l'intelligence, bien que l'image qu'il renvoie parfois - regard perdu, moments d'absence - peut laisser croire le contraire.
"C'est un garçon qui ne donne jamais l'impression d'écouter, alors qu'il écoute. C'est un des rares gars à qui je n'ai pas besoin de répéter deux fois la même chose. J'ai eu des bons sprinteurs, mais lui comprend les choses et les enregistre", dit de lui Carraz.
Humainement, Lemaitre s'est étoffé depuis ses premières années. Comme un symbole, ses prises de paroles deviennent même remarquables.
Alors Lemaitre a bien eu raison, une nouvelle fois, d'ignorer les moqueries qui ont refleuries ces dernières années: trop dilettante, incapable de manger des légumes...
Avec cette consécration olympique, Lemaitre n'aura jamais plus besoin de prendre la parole pour se faire entendre.