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Ye Tun Naung s'était engagé dans la marine pour fuir la misère, il y a découvert une passion: le tir. Et un talent, sans doute, puisqu'il sera la seule (petite) chance de médaille de la Birmanie aux jeux Olympiques de Rio.
Cet athlète de 33 ans participera à deux épreuves de tir au pistolet sur 10 et 50 m. Et s'il remporte une médaille, elle sera la première de l'histoire de ce pays d'Asie du Sud-Est, quasiment rayé de la carte sportive depuis un demi-siècle.
Car les 50 années de dictature militaire ont ruiné le pays et le sport n'a pas échappé aux coupes sombres. Pas de moyens, pas de politique nationale, pas ou peu de compétitions.
Il n'y avait donc que l'armée pour permettre à Ye Tun Naung de découvrir ses talents de tireur. Originaire du centre du pays, il rejoint l'armée en 2001 et découvre le tir au pistolet quatre ans plus tard. Une révélation. Très vite, les victoires vont s'enchaîner lors des compétitions militaires.
Mais ce qui l'attend dans la mégalopole de Rio de Janeiro est pourtant d'un tout autre calibre. "Avoir la chance de participer aux jeux Olympiques n'est pas facile et y gagner une médaille est très difficile", estime-t-il, en rangeant délicatement son pistolet de fabrication suisse après une séance d'entraînement à Rangoun.
Mais s'il y a une chance, même infime, il compte bien la saisir. "Le mental est essentiel pour réussir dans ce sport et même les meilleurs ne peuvent être sûrs de leur performance le jour J", dit-il.
- Concentration et maîtrise -
La discipline, présente aux Jeux depuis le début de l'ère moderne, nécessite un contrôle parfait de son corps et de son esprit, explique Ye Tun Naung. La maîtrise d'une respiration lente et cadencée est cruciale lorsque le concurrent doit enchaîner 60 tirs espacés les uns des autres.
"Certains méditent, d'autres font du yoga, moi, la plupart du temps, je lis", raconte cet homme calme, qui dit aimer les romans d'aventure.
"Sans concentration, vous ne pouvez pas comprendre le sens d'un livre. Je lis pour former mon esprit à la concentration pour les moments où je dois tirer", ajoute-t-il.
Il lui en faudra pour gérer la pression. Car, si sept sportifs birmans seront à Rio, six ont été invités au titre de l'universalité des Jeux et ne peuvent rien espérer d'autre qu'une prestigieuse figuration.
Ye Tun Naung est le seul à s'être qualifié sur des critères purement sportifs, grâce à sa place de finaliste lors d'une épreuve de Coupe du monde, en Corée du Sud, en 2015.
La médaille, malgré tout, semble bien hypothétique. Mais sa présence à Rio est à l'image de toute une nation, qui rêve de retrouver des couleurs sur la scène internationale après avoir été coupée du monde pendant près de 50 ans de dictature militaire.
- 'Les talents ne pouvaient pas éclore' -
Le sport comme la culture se sont réduits comme peau de chagrin sous la junte, ne laissant au pays que le souvenir de ses années de gloire, dans les années 1960, lorsque l'équipe nationale de foot dominait la région, en triomphant notamment aux Jeux asiatiques 1966 et 1970.
Puis, l'argent a disparu, reléguant sur la touche athlètes et entraîneurs et laissant péricliter les installations sportives.
"Pendant de nombreuses années, la Birmanie a fait face à beaucoup de difficultés. Et le secteur du sport était très peu développé. Les élèves ne pouvaient pas, par exemple, pratiquer un sport à un niveau décent à l'école, explique Myo Myint Sein, ancien volleyeur reconverti en journaliste sportif. Les nouveaux talents ne pouvaient pas éclore."
Depuis avril, le premier gouvernement civil depuis des décennies est au pouvoir, emmené par l'ex-dissidente Aung San Suu Kyi. Le pays peut croire en un avenir meilleur pour ses sportifs. Mais il faudra du temps.
D'ici là, les quelques rares élus ne pourront compter que sur eux-mêmes. Et Ye Tun Naung le sait d'autant plus que son sport n'est pas exactement le plus populaire.
"Les spectateurs peuvent bien penser que le tir est ennuyeux (...) mais mon esprit est en paix quand je tire", conclut-il.