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Plus que trois semaines ! Rio de Janeiro retient son souffle avant le coup d'envoi des premiers jeux Olympiques en Amérique du sud (5-21 août). Mais, face à la pire crise économique en 80 ans et à une criminalité en hausse, l'humeur des Cariocas n'est pas à l'euphorie.
Les stades sont pratiquement prêts. Les couleurs olympiques parent enfin la "Ville merveilleuse", mégapole de 6,5 millions d'habitants coincée à l'étroit entre océan et montagnes luxuriantes, avec son saisissant contraste de quartiers huppés aux plages "carte postale"... et ses immenses favelas misérables.
Le commerce local, de l'hôtel cinq étoiles au petit vendeur noir à la sauvette de gadgets olympiques "made in China", attend avec impatience l'arrivée de 500.000 touristes du monde entier.
Fanatiques de foot, les Cariocas sont des mordus de sport. Et malgré la grisaille du quotidien, nul doute que les Jeux seront une parenthèse joyeuse.
Le décor du plus grand événement sportif planétaire (10.500 athlètes dans 42 disciplines) aura de quoi couper le souffle de centaines de millions de téléspectateurs : des régates de voile à l'ombre du Pain de Sucre, les stars du sprint s'affrontant sous les bras ouverts de la statue du Christ Rédempteur...
Mais un cocktail de criminalité en hausse, chômage galopant, virus Zika, faillite de l'Etat de Rio, scandales de corruption et crise politique historique qui débouchera probablement sur la destitution de la présidente Dilma Rousseff juste après les JO, n'a pas de quoi porter les Brésiliens à l'euphorie.
Pour beaucoup, les Jeux se résumeront à une coûteuse distraction. "Les JO ont absorbé de l'argent qui aurait pu être utilisé pour améliorer la vie des gens, plutôt que de faire des changements cosmétiques jolis pour les étrangers", maugrée Felipe, 31 ans, sauveteur sur la plage Copacabana.
- Magique et chaotique -
A quelques mètres, sous un clément soleil "hivernal", par 23°C, des dizaines d'ouvriers s'affairent comme des funambules pour achever l'immense structure métallique provisoire de l'enceinte de beach-volley, haute comme un immeuble de sept étages.
Les problèmes rencontrés dans sa construction résument le défi d'organiser des JO à Rio, une ville aussi magique que chaotique. Les travaux ont d'abord été interrompus faute de permis environnementaux. Puis de fortes vagues ont endommagé la base de l'édifice. Il a fallu ériger un mur de sable de 300 mètres de long pour le protéger. Un mur colmaté en permanence par des bulldozers. Un beau matin, le cadavre démembré d'une femme a été découvert à proximité...
Rio a certes fait taire ceux qui doutaient de sa capacité à boucler les travaux à temps et globalement dans les budgets. Mais la construction du Vélodrome a pris tellement de retard en raison de la faillite de son principal maître d??uvre qu'il n'a pas été possible d'y effectuer un véritable événement-test.
La baie de Guanabara reste un cloaque où se déversent les égouts, malgré les promesses déçues de dépollution à 80%, exposant les compétiteurs de voile aux bactéries en cas de chute à la mer, voire à rater une médaille à cause d'un sac plastique à la dérive.
Une piste cyclable aménagée sur une corniche, à peine inaugurée en vue des JO, s'est partiellement effondrée sous l'effet d'une grande vague, tuant deux randonneurs. Des nids de poule sont déjà apparus sur une nouvelle route côtière.
Enfin une nouvelle ligne de métro, stratégique dans le plan de mobilité des Jeux, ne sera inaugurée, dans le meilleur des cas, que le 1er août, avec une capacité réduite faute de tests suffisants.
"Tout me préoccupe", reconnaît le maire de Rio Eduardo Paes. Il confie à l'AFP avoir "hâte que ça commence et que ça se termine". Et promet de "prendre une cuite" au son de la samba à la fin des JO, suivie d'une année sabbatique.
- Treize assassinats par jour -
La municipalité revendique néanmoins avoir ?uvré à la plus grande transformation de la ville en plusieurs décennies, dont le principal legs seront de nouvelles infrastructures qui donneront accès aux transports publics à 63% des cariocas en 2017, contre 19% en 2009.
La capacité hôtelière de Rio a doublé. Un nouveau terminal a été inauguré à l'aéroport international. La zone portuaire, longtemps à l'abandon, a été en partie revitalisée.
Autre motif d'inquiétude, la sécurité des spectateurs-touristes : plus de treize personnes sont assassinées chaque jour depuis le début de l'année dans l'Etat de Rio, 14% de plus que l'an dernier à la même période.
L'Etat de Rio vient d'obtenir une rallonge d'urgence de Brasilia pour payer les salaires des policiers. Mais les gangs armés de trafiquants de drogue grignotent du terrain.
La crainte concerne avant tout cette ultra-violence, davantage que le risque d'attentat, car le Brésil n'a jamais été frappé. Mais un djihadiste français de l'Etat islamique avait menacé en novembre, juste après les attentats de Paris : "Brésil, vous êtes notre prochaine cible". Et un ancien détenu de Guantanamo réfugié en Uruguay est récemment entré illégalement au Brésil, sans laisser de traces...
Plus de 85.000 policiers et militaires veilleront à la sécurité des JO, deux fois plus qu'à Londres en 2012.