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La guerre en RD Congo, la perte de sa famille, la fuite au fond d'une favela de Rio... Popole Misenga mise sur le judo et son rêve d'intégrer l'équipe des réfugiés aux JO pour donner un souffle apaisé à sa vie.
Courtes dreadlocks et buste massif, le Congolais de 24 ans rencontré par l'AFP dans sa favela d'accueil a grandi en République démocratique du Congo (RDC), où des millions de personnes ont trouvé la mort pendant la guerre civile de 1998-2003.
Sa jeunesse à la dure s'est ressentie dès son premier entraînement au Brésil.
"Il était très brutal", se souvient Geraldo Bernardes, ex-entraîneur de quatre équipes brésiliennes de judo aux JO, qui supervise désormais Misenga et d'autres espoirs au sein de l'Institut Reaçao, une ONG carioca.
"Il y avait une ambiance hostile à son égard, assure Bernardes. Il a blessé plusieurs sportifs".
Le gaillard s'est depuis adouci, même si la rage couve toujours: "Je me bats pour ma vie". Tous les jours, c'est deux heures de trajet et trois autobus pour aller s'entraîner jusque tard. Et le même périple pour rentrer dormir.
Misenga a découvert le judo enfant, dans un camp de réfugiés en RDC, après avoir dû fuir la région de Bukavu, dans l'est du pays, où les violences perdurent encore aujourd'hui.
Sa mère est morte, il n'a jamais su où se trouvait son père, il a été séparé de son frère et de ses deux soeurs. Petit garçon, il a dû s'échapper seul dans la forêt.
- 'Enfermés en cellule' -
Le judo a été sa planche de salut, et il en est même devenu le champion national. Avant que sa passion ne tourne à une forme d'esclavage.
Les méthodes d'entraînement en RDC étaient spartiates. "Ils étaient entraînés à gagner à tout prix", raconte Bernardes. "Quand ils ne gagnaient pas, ils étaient enfermés dans une cellule avec des demi-portions de nourriture pendant plusieurs jours".
"Ma vie, c'était s'entraîner, s'entraîner, s'entraîner... Ma seule idée, c'était de gagner. J'étais triste et énervé. Quand je voyais les gens dans la rue, des familles avec père et mère, je devenais triste. Je ne faisais confiance à personne", se souvient Misenga.
En 2013, il est à Rio pour disputer les Mondiaux de judo, dans la catégorie des moins de 90 kilos.
Il dit s'être fait voler ses bons de nourriture par des dirigeants corrompus de l'équipe congolaise. Il se fait éliminer dès son premier combat. La coupe est pleine.
Sans parler un mot de portugais, sans argent ni repère, il s'enfuit une nouvelle fois, en compagnie d'une autre judokate congolaise, Yolande Mabeka. "Je n'avais nulle part où dormir, rien à manger, pas de travail: c'était très compliqué".
- 'Comme Hulk' -
Il trouve finalement refuge auprès d'immigrés africains dans la favela Bras de Pina. Il y partage désormais un petit deux-pièces suffoquant avec sa compagne brésilienne, leur fils et les trois autres enfants de celle-ci.
Pas vraiment un refuge idéal. Les narcotrafiquants contrôlent le secteur. Des impacts de balles trouent la façade de l'immeuble du Congolais. Des ordures et des préservatifs jonchent le sol alentour.
"Ce n'est pas la guerre comme là-bas chez moi, mais il y a les trafiquants de drogue, relève-t-il. Les bandits tirent, la police tire".
Les favelas sont parfois violentes, mais aussi solidaires. Et quand Misenga déambule dans l'entrelacs de ce quartier déshérité, il n'est pas rare qu'on le hèle chaleureusement d'un "Popole!". "Il est comme Hulk, il va battre tout le monde!", lance ainsi un admirateur.
Sa pré-sélection pour les JO lui permet de recevoir une allocation, de se nourrir correctement et de s'entraîner au lieu de faire des petits boulots de chantiers. Il rêve pour la suite d'une formation de conducteur de monte-charge.
A l'Institut Reaçao, avec son kimono usé, Misenga "s'entraîne depuis un an et progresse", avance Bernardes. Et désormais, il saisit mieux les valeurs de solidarité et de respect mutuel au coeur de son sport.
Bernardes assure que Misenga et Yolande Mabeka peuvent atteindre une barre encore plus élevée: "Nous ne voulons pas seulement des champions de judo, mais aussi des champions de la vie. Il n'est jamais trop tard pour commencer de belles choses et se transformer".
A presque 100 jours du coup d'envoi des JO, 43 athlètes de haut niveau sont pré-sélectionnés pour intégrer la première équipes des réfugiés de l'histoire des Jeux. Le CIO pense qu'entre 5 et 10 parviendront à se qualifier.
Misenga n'en doute pas: "Je vais représenter les réfugiés du monde entier".