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Le bouillant public brésilien désarçonne le gotha mondial aux JO de Rio, peu habitué à ses bruyantes et parfois agressives démonstrations patriotiques, façon derby de foot.
Entre le calme et concentré gentleman français de la perche Renaud Lavillenie et les spectateurs galvanisés du stade olympique, la barre du choc culturel était visiblement trop haute à surmonter.
Sifflé lundi soir dans les tribunes lors d'une finale homérique remportée par le jeune Brésilien Thiago Braz, Lavillenie avait craqué au micro de Canal+: "Je pense que la dernière fois qu'on a vu ça, c'est quand Jesse Owens a couru en 1936 (...). Ca fait chier d'avoir un public de merde comme ça sur des JO".
Il s'était ensuite excusé pour cette comparaison déplacée. Le mal était fait. Mardi soir, le public l'a de nouveau sifflé copieusement pendant la cérémonie de remise des médailles, tirant des larmes au Français, effondré, l'argent autour du cou.
Le président du Comité olympique international (CIO) Thomas Bach a dénoncé des sifflements "inacceptables". Sur les réseaux sociaux ou devant les micros, d'anciens athlètes, des journalistes européens ou américains, se sont déchaînés contre l'attitude "honteuse" du public brésilien.
"Nous avons une culture sportive très centrée sur le football et cela déborde sur les autres sports", décrypte pour l'AFP Erich Benning, spécialiste brésilien du sport.
"Le Brésilien supporte en haïssant. Celui qui est contre passe d'adversaire à ennemi au milieu d'un climat de grande passion", déplore-t-il.
-'Méconnaissance de certaines disciplines'-
"Si vous regardez dans les enceintes olympiques, les Brésiliens portent presque tous le maillot de la Seleçao de football ou de leurs clubs de Flamengo, Palmeiras...", relève Benning.
Lavillenie s'est naïvement étonné d'avoir été pris en grippe alors qu'il n'avait "rien fait de mal aux Brésiliens".
De quoi faire sourire des Argentins blasés, ennemis sportifs héréditaires des Brésiliens, qui subissent le même sort chaque jour à Rio sans en faire tout un fromage.
Juan Martin Del Potro a eu tout le court contre lui pendant sa finale du tournoi de tennis contre l?Écossais Andy Murray . Une bagarre entre supporteurs des deux pays avait éclaté en tribune lors de son deuxième match contre le Portugais Joao Souza.
Pendant le match Argentine-Brésil de basket, un supporteur brésilien arborait une pancarte provocatrice: "Les Malouines sont anglaises", en référence à l'archipel de l'Amérique du Sud, qui don Na Li eu à une guerre en 1982 entre les l'Angleterre et l'Argentine, qui en revendiquait la possession.
"Si le public brésilien montre trop d'enthousiasme, c'est aussi en grande partie lié à une grande méconnaissance de certaines disciplines, qui requièrent plus de concentration, de silence", explique à l'AFP Victor Melo, coordinateur du Laboratoire d'histoire du sport de l'Université fédérale de Rio.
"Nous n'avons pas au Brésil un environnement sportif aussi fortement développé qu'aux Etats-Unis ou en Europe par exemple, relève-t-il.
-'Un peu trop fou'-
Alors, comme au foot, on crie, applaudit, tambourine des pieds sans arrêt, et en général dans la bonne humeur. "Cela distrait un peu", a confié poliment le tireur chinois Pang Wei.
"J'ai réussi à me concentrer pendant l'exercice. Mais à la fin, le public est devenu un peu trop fou", a témoigné la gymnaste guatémaltèque Ana Sofia Gomez, qui a failli en tomber de sa poutre.
"Au Brésil, après le foot et le volley, les autres sports sont au second plan. Il n'y a pas de grande compétition internationale annuelle d'athlétisme au Brésil", relève Erich Bening.
Parmi les Brésiliens qui ont sifflé Lavillenie au stade olympique, combien avaient-ils entendu parler de lui avant? Ou simplement assisté une fois dans leur vie à un concours de perche? Sans doute très, très peu.
"Il n'y pas une manière universelle de supporter, souligne en outre Victor Melo, pointant "le prisme un peu ethnocentrique des médias internationaux".
Ainsi, "au Mondial de football en Afrique du Sud, les vuvuzelas ont horrifié des supporters du monde entier qui coupaient le son de leur télé. Mais les Sud-Africains répondaient: désolés, mais ici, c'est comme cela qu'on fait".
L'entraîneur de l'équipe de France de handball Claude Onesta appelle à "garder de la mesure". "Sur le fond, on peut toujours disserter sur le fait que les spectateurs devraient voir le spectacle et se contenter d'applaudir, mais ces excès d'enthousiasme n'appartiennent pas qu'aux Brésiliens", a-t-il commenté.
"C'est vrai que ce n'est peut-être pas dans les habitudes de l'athlétisme, je conçois que ça puisse perturber", ajoute-t-il.
En handball, "on a l'habitude d'aller jouer dans des endroits compliqués. Le public brésilien est bruyant, il peut être très partisan mais ne paraît pas très dangereux. Il y a des endroits dans le monde où on est allé gagner des matches et je peux vous assurer qu'en même temps qu?on jouait, j'essayais de regarder ce qui pouvait nous tomber sur la tête, voire comment allait survivre la famille ou les amis dans la tribune".