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Accusé, levez-vous: l'athlétisme russe -son dopage institutionnalisé et ses efforts pour revenir dans le droit chemin- sont jugés vendredi à Vienne, par la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF), qui réunit son Conseil pour décider de sa présence aux JO de Rio (5-21 août).
C'est peu dire que le vote du Conseil, le gouvernement de l'instance, est attendu. Une conférence de presse est programmée à 17h00 locales (15h00 GMT) et la question qui sera soumise au vote des 27 membres - 24 votants effectifs en l'absence du représentant Saoudien et de l'interdiction de voter des représentants russe et kényan, suspendus - est simple: faut-il lever ou non la suspension infligée à la Fédération russe (ARAF) en novembre 2015 ?
Pour Moscou, la réponse aussi est simple: la Russie a fait des efforts; il faut lever la sanction.
"Il ne peut pas y avoir de responsabilité collective pour tous les sportifs. Une équipe entière ne peut pas porter toute la responsabilité pour une seule personne (dopée)", a martelé Vladimir Poutine depuis le Forum économique international de Saint-Pétersbourg.
"Il n'y a pas et il ne peut y avoir aucun soutien de l'Etat, spécialement en ce qui concerne le dopage", a encore affirmé le président russe.
"Au vu de nos efforts, je vous demande de reconsidérer votre position sur la suspension de nos athlètes", a plaidé vendredi le ministre russe des Sports Vitali Moutko, dans un dernier plaidoyer adressé à l'IAAF, assurant que la Russie "a fait tout ce que lui a demandé la commission de l'IAAF pour être réadmise dans les compétitions".
Parmi les "efforts" accomplis, le ministre cite notamment la refonte de l'Agence antidopage russe (Rusada) et la réorganisation de l'ARAF.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a de son côté affirmé vendredi que "tout sera fait juridiquement pour défendre les intérêts" des athlètes.
- Dopage, corruption et diplomatie -
Malgré les efforts russes, ce dossier reste complexe, véritable roman noir mêlant dopage, corruption et diplomatie sportive jusqu'aux plus hauts sommets.
La Russie, ses instances sportives et antidopage, a organisé et couvert le dopage dans "son" athlétisme, en rackettant ses propres athlètes et allant jusqu'à corrompre l'ancien président de l'IAAF, Lamine Diack (1999-2015), mis en examen pour blanchiment aggravé et corruption. Avec l'affaire russe, l'athlétisme mondial a plongé dans la plus grave crise de son histoire.
Comme depuis sept mois et l'éclatement au grand jour de la triche, les déclarations, affirmations, accusations et démentis se sont entrecroisés ces derniers jours.
Ainsi, le vice-président du CIO et patron du Comité olympique australien, John Coates, a fustigé vendredi l'ARAF et la Rusada, alors qu'il remettait à Melbourne la médaille d'or du 50 km marche des JO-2012 à l'Australien Jared Tallent à la suite du déclassement... du Russe Sergey Kirdyapkin , suspendu pour dopage et dépossédé de son titre en mars.
"Remettre une médaille olympique est toujours un honneur. Plus encore à cette occasion, pour rectifier l'injustice massive faite à Jared par un tricheur dopé avec l'assistance de l'Agence russe antidopage et de la Fédération russe d'athlétisme qui étaient gangrenées", a lâché Coates.
Jeudi soir, c'est la BBC qui avait fait feu avec un documentaire à charge sur le président de l'IAAF, Sebastian Coe . La chaîne affirme que le Britannique a été élu en août 2015 grâce aux voix rassemblées par le fils de son prédécesseur, Papa Massata Diack, sous le coup d'un mandat d'arrêt international pour son rôle dans le scandale. Elle accuse également Coe d'avoir menti sur la date à laquelle il a eu connaissance de ce scandale.
L'IAAF a immédiatement tout démenti.
- 'Beaucoup de pressions' -
Mercredi, l'AMA, dans un document de 23 pages, avait dressé un bilan peu reluisant de ce qui se passe en Russie depuis sa suspension.
"Des agents armés du FSB (les services secrets russes) ont menacé d'expulser du pays des contrôleurs", a assuré l'AMA dans son rapport, précisant qu'il avait été impossible de mener 736 contrôles antidopage en Russie depuis février 2016.
Au-delà des chiffres, l'AMA dresse surtout le portrait d'un pays qui est loin d'en avoir fini avec la culture du dopage.
Par exemple, "un certain nombre" de laboratoires chargés d'analyser les échantillons russes ont constaté que les boîtes contenant les échantillons "avaient été ouvertes par les douanes russes".
Si les athlètes russes devaient manquer Rio, cela reviendrait à priver l'athlétisme, sport olympique N.1, de la deuxième nation au monde dans ce sport, derrière les Etats-Unis. Un choix grave.
"Il y a beaucoup de pressions, politiques, de toutes sortes, directes ou indirectes dans chacun de nos pays, qui font que certains vont hésiter", explique à l'AFP Bernard Amsalem, président de la Fédération française d'athlétisme, membre du Conseil et tenant d'une ligne dure.
Mais comme souvent, entre l'intransigeance et le pardon, une troisième voie peut se dessiner.
Elle verrait le CIO adoucir une éventuelle décision négative de l'IAAF, en mettant sur pied une équipe d'athlètes russes propres. Le CIO tient justement une réunion sur les questions d'éligibilité aux JO le 21 juin.
"C'est une option plausible", reconnaît M. Amsalem. "Mais quelles sont les garanties que l'on peut avoir sur les Russes ? (...) C'est aussi un problème de crédibilité (...) Notre image est extrêmement ternie et le seul moyen de la redresser, c'est d'être dur."