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Policier en Bavière depuis une trentaine d'années, Günter Younger est rodé aux interrogatoires et recherches de traces. Il va désormais mettre ses compétences au service de la lutte contre le dopage au sein de l'Agence mondiale antidopage (AMA).
"Ce qui est très important, c'est la relation de confiance. Je veux montrer aux athlètes que, s'ils viennent vers moi, je m'occuperai de leur problème. Les sportifs sont ceux qui sont sur le terrain et voient tout. Ils ont les informations", explique Günter Younger, dans un entretien accordé à SID, agence de presse sportive filiale de l'AFP.
L'Agence mondiale antidopage (AMA) a nommé à la mi-juin cet Allemand de 48 ans à la tête de son service "Renseignement et enquêtes", à compter du 3 octobre.
"J'ai travaillé pendant près de 30 ans pour la police criminelle régionale de Bavière, dans presque tous les domaines. Stupéfiants, criminalité organisée, protection de l'État", poursuit-il.
Dès 2009, il est contacté par l'AMA. "Ils souhaitaient davantage sensibiliser la police aux questions de dopage."
L'organisation en charge de la lutte contre le dopage a pris conscience que pour s'attaquer à la racine du mal, à savoir les personnes derrière les athlètes qui alimentent le sport de produis dopants, il fallait investir sur l'enquête.
- "Impressionné" par Stepanova -
Younger a participé avec Richard Pound et Richard McLaren, à la Commission indépendante de l'AMA consacrée au dopage en Russie. Les travaux de ce triumvirat "ont montré qu'il y avait plus de potentiel là", dans le domaine de l'investigation, souligne le Bavarois.
Lors de ses entretiens avec les sportifs dans le cadre de la Commission indépendante, ce fan du Bayern Munich a dénoté beaucoup de frustration. "Frustration parce que rien ne se passait, alors que certains avaient déjà témoigné", raconte-t-il.
Il a également été confronté à l'arrogance de certains sportifs et responsables, "ce qui énerve particulièrement les policiers. Quand certains pensent qu'ils sont au-dessus des lois".
© AFP/LUKAS BARTH
Günter Younger avec les responsables du rapport sur le dopage Richard McLaren (g) et Dick Pound (c), le 14 janvier 2016 à Munich
En revanche, une athlète l'a particulièrement "impressionné": la spécialiste du demi-fond Ioulia Stepanova, lanceuse d'alerte à l'origine de la révélation du scandale dans un reportage choc de la télévision publique allemande ARD.
"J'ai beaucoup parlé avec elle. Elle adore le sport par-dessus tout, et elle est devenue avec son mari une non-dopée convaincante", explique-t-il, alors que le Comité international olympique (CIO) a interdit la présence de Stepanova à Rio, en raison de son passé de dopée.
Outre sa volonté de cesser le dopage, Stepanova "s'est révoltée contre un système complet et a abandonné son pays, y compris sa famille, pour rendre le sport plus propre. Je trouve ça considérable".
- Pré-enquête -
Younger, né Seibold et qui a abandonné son nom pour prendre celui de sa femme néo-zélandaise, veut jouer son rôle au tout début de la chaîne de la lutte contre le dopage. "Je mène une sorte de pré-enquête. Pré-enquête, ça veut dire en règle générale qu'il n'y a pas encore de mesures punitives, comme des perquisitions".
"On peut interroger des témoins, regarder des preuves comme des vidéos", ajoute-il.
Günter Younger tire le premier fil de la pelote. Ainsi, dans un autre volet de son enquête sur le dopage dans l'athlétisme russe, la Commission indépendante de l'AMA "avait suffisamment d'éléments pour une action en justice".
Ses membres ont décidé d'aller voir les autorités françaises, qui "étaient tout feu tout flamme. Et en l'espace de deux, trois mois, les premières perquisitions ont pu commencer".
Les éléments envoyées aux autorités ont ainsi abouti à la mise en examen de l'ancien patron de l'athlétisme mondial, Lamine Diack, pour "corruption passive" et "blanchiment aggravé".