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Le 2 octobre 2009, Luiz Inacio Lula da Silva, prér d'un Brésil triomphant, pleurait de joie à Copenhague: Rio de Janeiro venait de conquérir les JO-2016.
Dans un pays aujourd'hui plongé en plein séisme politique, qui se souvient que la flamme olympique s'allumera dans 134 jours au stade Maracana?
Alors que le pouvoir tangue dangereusement, affaibli par un vaste scandale de corruption et une récession historique, les Brésiliens veulent surtout ne pas perdre une miette du thriller politique qui enflamme le géant émergent d'Amérique latine.
Les médias n'accordent presque plus aucune place aux préparatifs des premiers Jeux Olympiques de l'Histoire en Amérique du Sud, sauf pour s'inquiéter de l'épidémie de virus Zika, transmis par un moustique, qui provoque des malformations congénitales grave chez les bébés des femmes contaminées pendant leur grossesse.
Nul ne s'aventure même plus à prédire qui sera le président du Brésil qui assistera à la cérémonie d'ouverture le 5 août.
"Les Jeux auront lieu, mais après des jours et des jours de grande instabilité, ils ont été rayés de l'actualité. Cela a de grandes conséquences commerciales", explique à l'AFP Katia Rubio, professeure de l'Ecole d'éducation physique de l'Université de Sao Paulo.
"Les entreprises qui ont investi dans le projet olympique voient leurs stratégies contrariées. Plus personne ne veut mettre en avant les JO. La crise est tellement grave qu'en parler paraît futile", ajoute-t-elle.
Sponsors et parraineurs ont gardé à l'esprit les manifestations massives qui avaient "accompagné" la Coupe des Confédérations de football en juin 2013: des millions de Brésiliens avaient dénoncé les milliards d'argent public investis dans les stades du Mondial-2014 et réclamé des services publics décents.
-Le CIO attentif-
Depuis des semaines, la population manifeste pour une toute autre raison: réclamer le départ de la présidente de gauche Dilma Rousseff ou la soutenir.
Dans ce climat d'ébullition populaire, Nike a décidé la semaine dernière d'annuler sa présentation officielle du nouveau maillot de la "Seleçao", à Rio de Janeiro.
"A l'époque de la Coupe du monde (de football de 2014), on notait un rejet beaucoup plus fort", observe Marcelo Laguna, qui suit les jeux Olympiques pour le journal sportif Lance!. "Les mouvements étaient plus intenses car d'autres revendications s'y étaient mêlées".
"Maintenant, le doute est de savoir ce qui se passera si cette confusion politique persiste à l'approche des Jeux et si cela pourrait déboucher sur des manifestations contre l'événement", ajoute-t-il.
Tout en restant "très confiant" dans l'organisation de Jeux "mémorables" par le Brésil, le Comité international olympique (CIO) a indiqué lundi suivre "de très près les événements politiques" dans le pays.
"Les Jeux laisseront un important héritage aux citoyens de Rio de Janeiro et à l'ensemble du pays", a assuré à l'AFP un porte-parole du CIO.
Les organisateurs rappellent qu'il s'agit d'un "événement sportif" et que le comité Rio-2016 travaille avec des fonds "100% privés", pas celui des citoyens.
"Même si la situation politique actuelle au Brésil suscite beaucoup d'attention, le comité organisateur continue de travailler quotidiennement aux préparatifs", selon un de ses porte-paroles.
-Pôts-de-vin ?-
Difficile pourtant d'oublier le calendrier parlementaire: le 3 mai, quand la torche olympique entamera son périple à Brasilia en provenance d'Olympie, la capitale sera peut-être toujours en pleine procédure de destitution de Dilma Rousseff, accusée de maquillage des comptes publics par l'opposition.
Autre motif de confusion, le départ "très probable" selon une source gouvernementale du ministre des Sports, George Hilton, sur fond de divorce de son parti avec la coalition de centre-gauche au pouvoir, dans un climat politique délétère.
Il ne manquerait plus que le scandale de corruption Petrobras rattrape les JO, via le consortium de BTP Odebrecht, au coeur de l'enquête.
Odebrecht est maître d'oeuvre de nombreux chantiers olympiques, dont ceux liés à la revitalisation du port et à l'extension du métro, qui sont désormais passés au peigne fin par les enquêteurs.
Les dirigeants du groupe, dont son ancien président Marcelo Odebrecht, condamné à près de 20 ans de prison en première instance, viennent de décider de confier leurs secrets aux enquêteurs, en espérant de futures remises de peine...
Six ans et demi avant d'être accusé de corruption dans le cadre de cette enquête, Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010) avait séduit les membres du CIO avec un discours mémorable.
Il y vantait l'"excellent moment" que vivait le Brésil, son "économie organisée et vigoureuse, qui a affronté sans secousse la crise qui dévaste encore tant de nations". "Ceux qui nous donneront cette opportunité ne le regretteront pas", disait-il alors.
Verdict le 21 août, quand la flamme olympique s'éteindra.