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Quand Yelena Isinbayeva s'élance vers le sautoir dans la moiteur du stade de Tcheboksary, personne ne sait s'il assiste au dernier saut de la carrière de la plus grande perchiste de tous les temps ou à une nouvelle étape avant les JO de Rio.
Comme tous les athlètes russes visés par la Fédération internationale d'athlétisme après les révélations de dopage organisé dans l'athlétisme russe, la double championne olympique, jamais prise pour dopage, est en sursis.
Et à Tcheboksary mardi soir, ni les spectateurs russes, ni les athlètes qui participent aux Championnats de Russie, ni même la principale intéressée, Yelena Isinbayeva, 34 ans et ses 28 records du monde, ne savent ce qui se joue.
Concrètement, la perchiste a remporté un nouveau titre de championne de Russie avec un saut à 4,90 m, la meilleure marque mondiale de la saison, comme un pied de nez à l'interdiction de sauter au niveau international. Mais au-delà, vient-elle de tirer sa révérence ou peut-elle encore espérer un 3e titre olympique en août à Rio ?
La réponse s'écrit en partie à plus de 3500 km de là, à Lausanne, où le Comité international olympique, aux prises avec l'épineux dossier du scandale du dopage généralisé dans l'athlétisme russe, a un peu redonné d'espoir mardi à la championne, native de Volgograd, l'ex-Stalingrad.
Après la décision vendredi de la Fédération internationale (IAAF) de maintenir la suspension de toute compétition internationale -dont les JO- pour les athlètes russes, la "tsarine" avait en effet cru son heure arrivée.
Mais le soutien du CIO à l'idée de "repêchage" d'athlètes qui réussiront à prouver qu'ils n'ont bénéficié d'aucun dopage l'a revigorée.
"Hier, j'étais désespérée", au moment des qualifications, a-t-elle confessé après sa victoire. "Mais je suis très optimiste aujourd'hui. Il reste en moi de l'espoir. Il n'est pas entièrement mort", a-t-elle ajouté, avant de conclure: "Cela veut dire que la fin de ma carrière, j'espère, sera à Rio".
Ce concours était son premier depuis trois ans et son titre mondial à la maison, à Moscou. Et pourtant. Elle a aisément franchi la barre de 4,90 m, remportant du même coup le titre national, avant de tenter de battre son propre record du monde (5,06 m). Tentative certes ratée, mais qu'elle a ponctuée de son habituel salto arrière, preuve de son soulagement d'avoir sauté aussi bien dans des circonstances aussi difficiles alors que tout le monde ne lui parle que dopage, suspension des JO ou boycott depuis des jours.
"Que puis-je dire? Le principal, c'est que nous devrions être tous heureux qu'Yelena Isinbayeva a obtenu la meilleure performance mondiale de l'année", a-t-elle déclaré en parlant d'elle à la 3e personne, grand sourire aux lèvres.
- Franc-parler, patriotisme et ténacité -
Reine de l'athlétisme russe, Yelena Isinbayeva s'est forgée au fil des ans une réputation flamboyante, faisant montre de sa rage de vaincre et multipliant les déclarations choc.
"Nous devons encore nous battre pour participer aux JO de Rio. Nous devons porter plainte maintenant. Si je remporte l'affaire devant le Tribunal arbitral du sport, cela voudra dire que je peux participer", avait lancé la première femme à franchir la barre mythique de 5 mètres à la perche.
Et après les "connards" lancé aux membres du conseil de l'IAAF lundi lorsqu'elle broyait du noir, elle a changé de ton mardi. "Le président du Comité international olympique, Thomas Bach , s'est révélé être quelqu'un de mesuré, si ce n'est humain", a-t-elle dit.
Patriote déclarée, elle avait rejeté catégoriquement la possibilité de concourir sous bannière neutre comme l'avait proposé l'IAAF. "Je suis Russe, j'ai un pays, j'ai un drapeau", avait clamé lundi la perchiste, se félicitant mardi de la décision du CIO qui souhaite laisser les athlètes repêchés par l'IAAF concourir avec le drapeau de leur pays.
Outre son franc-parler et son patriotisme, celle que la presse surnomme la "tsarine" du saut à la perche s'illustre aussi par sa ténacité.
Les amateurs d'athlétisme se souviennent des JO de Pékin en 2008 lorsque, déjà assurée d'obtenir l'or, la tenante du titre avait continué, seule, le concours jusqu'à pousser la barre à 5,05 m.
Après une pause lui permettant de donner naissance en 2014 à un bébé, Isinbayeva est revenue avec un objectif proclamé: un 3e titre olympique à Rio, un nouveau record du monde pour dépasser la barre des 5,06 m, puis la retraite sportive.
Mardi soir, après son saut, elle concluait à sa manière, tout sourire: "un grand bonjour de Russie à mes rivaux".