Happy Birthday : |
© AFP/MANAN VATSYAYANA
Deux supporters assis en tribunes durant l'épreuve de pentathlon moderne messieurs au stade de Deodoro le 20 août 2016
Des tribunes vides, des sifflets pas toujours opportuns mais aussi des ambiances incandescentes et des champions adulés: le public des Jeux de Rio a été patriote, coloré, enthousiaste, dissipé mais malheureusement, aussi, souvent absent.
Maillot de la Seleçao ou de son club de foot préféré sur le dos, le supporteur carioca est allé voir les Jeux comme il va au stade, avec beaucoup de passion. Il a acclamé les mégastars, les Michael Phelps et autres Usain Bolt , plus encore que ses champions brésiliens, mais il a parfois fait fi de l'étiquette propre à certains sports. Quand il a trouvé le chemin des tribunes...
A deux jours de la cérémonie d'ouverture, 20% des places étaient toujours disponibles à la vente, soit 1,2 million de tickets, selon les organisateurs.
Le taux de remplissage des Jeux devait, donc, être officiellement au moins égal à 80%, mais rares sont les sites où ce niveau a semblé atteint, sauf peut-être dans certains sports collectifs.
Une indifférence qui n'a pas concerné que les +petits+ sports ou ces disciplines étrangères à la culture sportive brésilienne. Exemple le plus frappant: les gradins vides du stade olympique, une arène de 60.000 places consacrée à l'athlétisme, le sport roi des Jeux. Il n'a quasiment jamais fait le plein, sauf les quelques soirs où Usain Bolt était de sortie.
Il était même tragiquement vide en matinée, malgré quelques finales alléchantes. Le Kényan Ezekiel Kemboi , double champion olympique du 3000 m steeple (2004, 2012), a ainsi tiré sa révérence dans l'indifférence quasi générale.
Des gradins vides, qui ont fait grincer des dents les diffuseurs des Jeux. Pour les chaînes et les annonceurs, qui investissent des fortunes dans les JO, "c'est la pire chose qui puisse se produire à l'écran", affirme à l'AFP le Grec Yiannis Exarchos, le PDG d'Olympic Brodcasting services.
- 'Problématiques' -
La localisation du stade Joao-Havelange, loin des autres sites et notamment du parc olympique, et les problèmes de transport ont peut-être dissuadé des amateurs. Idem pour le prix des billets, dans un pays plongé en plein marasme économique.
Le président du Comité international olympique (CIO), Thomas Bach , a certes déploré des stades "pas pleins dans les premiers jours", évoquant "des défis en termes de transport". Mais ensuite, "même pour des sports peu populaires, les stades se sont remplis", a-t-il jugé. Méthode Coué ?
Le CIO aura du mal à donner des leçons, quand l'un de ses hauts dirigeants, l'Irlandais Patrick Hickey, est écroué dans une prison de haute sécurité pour son rôle présumé dans un réseau de revente illégale de billets des JO qui aurait généré au moins 2,8 millions d'euros de recettes.
Le patron de l'athlétisme mondial, le Britannique Sebastian Coe , a reconnu que "certaines sessions ont été problématiques". "Peut-être en raison du prix des places, a-t-il dit. Il n'y a pas toujours (eu) de passion dans le stade (olympique), mais dans les grands moments, si."
Organisateur des Jeux de Londres il y a quatre ans, Lord Coe est bien placé pour savoir que les JO de Rio ont fait pâle figure côté remplissage et ambiance. Mais il est vrai que la Grande-Bretagne est le berceau de nombre de sports olympiques, pas le Brésil.
Le cas Renaud Lavillenie a illustré ce décalage du public local par rapport aux codes en usage.
Le champion olympique en titre de la perche filait droit vers une deuxième médaille d'or quand le Brésilien Thiago Braz a soudain passé le saut de sa vie (6,03 m). Le gentil public s'est alors transformé en kop bouillant: sifflets pour le Français avant qu'il ne s'élance, puis tonnerre d'applaudissements à son échec, synonyme de titre pour Thiago Braz.
- 'Inacceptables' -
"Public de merde", a alors balancé Lavillenie devant des caméras, dans une comparaison douteuse avec le sprinteur noir américain Jesse Owens et le public des Jeux de 1936 dans l'Allemagne nazie. En un clin d'oeil, il est devenu l'ennemi public N.1 du supporteur brésilien, et a payé ses maladresses verbales le lendemain par de nouveaux sifflets, sur le podium.
Des lazzis qualifiés d'"inacceptables" par le président du CIO.
Le tennisman Juan Manuel del Potro, auquel le public brésilien trouvait un grave défaut -sa nationalité argentine-, a lui subi sans broncher, jusqu'en finale. Des gens se sont même battus pendant un de ses matches.
Sur de nombreux sites, pas seulement à l'athlétisme, les organisateurs ont dû diffuser des messages de rappel aux règles du fair-play. Car "le Brésilien supporte en haïssant, affirme à l'AFP Erich Benning, spécialiste brésilien du sport. Celui contre qui on est passe d'adversaire à ennemi au milieu d'un climat de grande passion".
Principalement passionné de football ou de volley-ball, le fan brésilien moyen n'a pas l'habitude de la culture sportive olympique. Cela s'est vu et... entendu.
Mais certains ont aussi déploré "le prisme un peu ethnocentrique des médias internationaux". "Il n'y a pas une manière universelle de supporter", souligne ainsi Victor Melo, historien du sport à l'Université fédérale de Rio.