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Lever du soleil, heure bénie tant attendue après une nuit chahutée en mer: SMA, le grand monocoque que Paul Meilhat barrera dans le Vendée Globe 2016, glisse dans la baie d'Audierne sur une mer soudain apaisée, raz de Sein en ligne de mire.
Nous sommes partis des Sables-d'Olonne (Vendée) la veille vers 15h00, cap sur Douarnenez (Finistère), où le 60 pieds (18,28 m) sera baptisé jeudi. La météo, cette menteuse congénitale, annonçait une amélioration progressive du temps en remontant un golfe de Gascogne balayé par une solide dépression pendant 48 heures.
Dès les premières minutes à bord du plan VPLP-Verdier, on réalise que les quelque 200 milles (environ 370 km) au près, c'est-à-dire contre le vent, avec un solide clapot résiduel et de nuit, ne seront pas (seulement) une partie de plaisir.
Le près, c'est deux fois la route, trois fois la peine, dit un dicton qu'aucun "voileux" ne contredira. L'estomac, pourtant prévenu, risque de faire la gueule et il va falloir être très attentif à ce que l'on ingurgite pendant ces 24 heures de navigation.
Grand-voile haute et J2 (foc de taille moyenne), SMA -simple tube de carbone dépourvu de tout confort (la couchette? Quelle couchette?)- cogne, craque, mugit, proteste à chaque vague passée en force. Les haubans partent en résonance, leur musique devenant vite obsédante, bon indicateur de la force du vent de noroît qui souffle à 20-25 n?uds, creusant et blanchissant la mer.
Michel Desjoyeaux , 49 ans, double vainqueur du Vendée Globe (2001/2009), de La Route du Rhum (2002), de la Transat Anglaise (2004) et de multiples autres belles courses, "coache" Paul Meilhat, distillant son savoir à l'un des grands espoirs de la voile océanique française.
Issu de l'olympisme, Meilhat, 33 ans, possède déjà un palmarès prometteur (dont une victoire dans la Transat AG2R 2014 avec Gwénolé Gahinet) et, après plusieurs Solitaires du Figaro, a plongé dans la catégorie reine des Imoca, ces luges océaniques capables de vitesses longtemps l'apanage des seuls multicoques.
- 'Anticiper en permanence' -
La nuit tombe. A bord de SMA, l'ambiance est sereine, studieuse. Sur le pont comme à la centrale de navigation, Paul officie sous le regard protecteur et bienveillant du "Professeur", le surnom de Desjoyeaux dans le milieu. A les voir dialoguer, échanger, on se dit qu'il y a comme une relation père-fils entre les deux hommes.
"Mon job, c'est d'être casse-pieds, explique Desjoyeaux. Ca, je sais faire, donc ça tombe bien. Le but du jeu, c'est de lui transmettre dans le délai le plus court possible le maximum de choses, des petites recettes de cuisine qui lui permettront d'être à l'aise avec un bateau de cette taille, de cette complexité".
"Mich'Desj" avait déjà joué ce rôle avec une autre pépite de la voile française, François Gabart, vainqueur en 2013 du dernier Vendée Globe... avec ce même bateau. Acheté par Mer Agitée, l'écurie de course de Desjoyeaux, l'ex-Macif est devenu SMA, l'assureur du bâtiment (2,5 milliards de CA, 3.000 collaborateurs), à qui il est loué.
"Sur ces bateaux, confie Meilhat, il ne faut surtout pas se laisser dépasser par les éléments. Il faut anticiper en permanence, ne pas se laisser emporter par la bête, car c'est très vite trop tard, tu es balayé physiquement".
"Il y plein de petites astuces à acquérir. Man?uvrer tout seul un spi de 420 m2 quand il y a 10 n?uds de vent, c'est facile. Quand il y en a 25, c'est un peu plus compliqué", confirme Desjoyeaux avec un bel euphémisme.
Le raz de Sein est maintenant devant l'étrave. Courant aux fesses, petit temps, mer plate, nous le passons bientôt à un peu plus de 10 n?uds, laissant la tourelle de la Plate et le phare de la Vieille à tribord. Les misères de la nuit sont oubliées. On repart quand?