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"J'ai lu tous mes livres, il ne me reste plus que la notice du GPS, que je connais par coeur!"... Près de quatre semaines après le départ et 17 jours après l'arrivée du vainqueur, le dernier de La Route du Rhum est encore en mer et aperçoit à peine le bout du chemin.
"Ça devient long...", soupire Vincent Lantin, 33 ans, à la barre du voilier "Le slip français", du nom de son sponsor, une marque de sous-vêtements branchée qui joue la carte du vintage franchouillard et rigolo. "Je ne m'attendais pas à ce que ça se passe comme ça", confie-t-il dans un entretien téléphonique avec l'AFP, seul au milieu de l'Atlantique.
Jeudi, Lantin et son monocoque de Class40 (12,18 m) se trouvaient à quelque 700 milles (1126,5 kilomètres) de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), après une transat lardée de galères de tous genres: grains, pannes à répétition et trois escales techniques (Brest, Madère, Les Canaries, soit environ 4 jours de perdus).
Il sera selon toute vraisemblance le dernier des 91 marins à boucler la 10e Route du Rhum, sans doute dans la nuit de dimanche à lundi. A des années-lumière de Loïck Peyron, qui a remporté ce +Rhum+ 2014 toutes classes confondues avec son trimaran de 31,50 m (Banque Populaire VII) le 10 novembre, 8 jours après le départ.
- 'Affronter mes peurs' -
"Cette Route du Rhum est arrivée à un moment dans ma vie où je voulais me prouver certaines choses, affronter mes peurs, chercher un peu de difficultés", poursuit Lantin, qui a été servi au-delà de toutes ses espérances.
"Ce qui est important, c'est de finir cette course. Je le dois à mes proches et à mon sponsor. A part une blessure au pied, je suis en pleine forme, il n'est pas question de s'arrêter", martèle-t-il, pas découragé pour un sou.
Ses outils, eux, sont nettement moins vaillants: il est privé de fichiers météo depuis Brest et navigue à vue. "J'ai pour seuls instruments un GPS, un Iridium (téléphone satellite) et des cartes papier. Avant le départ, je pensais que je pouvais faire un bon résultat mais j'ai été accablé de soucis techniques", déplore-t-il.
Pour compliquer encore un peu plus une situation déjà difficile, son pilote automatique fonctionne de façon erratique: "Il n'arrête pas de flancher, il marche quand il veut bien. Parfois, il s'arrête brutalement et le bateau part au lof (manque de virer, ndlr). Dans ces conditions, il est difficile de se reposer correctement" et d'abandonner la barre.
- 'Une sacrée cartouche' -
La galère a commencé peu après le départ de Saint-Malo le 2 novembre, dès la première nuit, à cause de "conditions météo vraiment +rock and roll+".
"Ça a été dur, assure-t-il. J'ai vécu en direct, à la VHF (radio), la perte de quille du bateau de François Angoulvant (un autre concurrent de la catégorie Class40, ndlr) et son hélitreuillage. J'ai moi aussi eu une grosse galère, avec des rafales à plus de 50 noeuds qui ont couché mon bateau, arraché les aériens (antennes), me contraignant à faire escale à Brest".
La grande lessive ne faisait que commencer. Au large de La Corogne, à la pointe nord-ouest de la péninsule ibérique, "je suis le seul Class40 à être parti dans la tempête, faute de fichiers météo, raconte Lantin. J'ai un bon sens marin mais j'ai pris une sacrée +cartouche+".
Ce touche-à-tout autodidacte, familier de plusieurs grands skippers français, avoue avoir "hésité à mettre le clignotant (à abandonner, ndlr) à Madère et aux Canaries".
Pour tromper la monotonie, il n'a maintenant plus grand-chose à lire. Avant le départ, un ami "m'avait offert +Princes de la bourlingue+ d'Errol Flynn. Je l'ai lu, ainsi que des livres de Jules Verne, que j'avais téléchargés. Maintenant, plaisante-t-il, il ne me reste plus que la notice du GPS, que je connais par coeur..."
Lantin a maintenant hâte d'arriver pour se consacrer à son prochain projet, une traversée en double de l'Atlantique nord avec un trimaran de sport Multi 23 (6,72 m). Et quid d'un autre Rhum, en 2018? "Pourquoi pas, mais en multicoque, c'est ma passion!"