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Kito De Pavant
sur le port de La Réunion, le 30 décembre 2016 après avoir été secouru par le navire ravitailleur Marion Dufresne
À bord du Marion Dufresne qui accoste au Port, une commune à l'ouest de la Réunion, Kito De Pavant observe les manoeuvres d'amarrage: "je vois les choses d'en haut, ça change de mon bateau", lâche doucement celui qui retrouve pour la première fois la terre ferme depuis son sauvetage dans le Vendée Globe le 7 décembre.
"J'ai eu une chance énorme", concède le skippeur, en scrutant vendredi la pointe des Galets qui l'accueille.
"En plus, le Marion (navire ravitailleur des Terres antarctiques et australes françaises - TAAF - qui l'a secouru) est beaucoup plus grand et confortable que mon bateau. J'ai gagné au change. J'ai même grossi puisque j'ai été bien nourri", plaisante-t-il.
Son Vendée Globe a basculé le 6 décembre dernier, lorsqu'une voie d'eau s'est ouverte dans la quille de son bateau, le Bastide Otio. Il occupait alors la 10e place de la course. Il a demandé à être secouru et a été récupéré par le Marion Dufresne, l'un des rares navires à se trouver dans cette zone désertique du sud de l'océan Indien.
Kito De Pavant ajoute avoir été content de passer Noël avec la centaine de passagers et de membres d'équipage du ravitailleur, alors qu'il avait "quelque chose de beaucoup plus petit".
Barbe à fleur de peau, geste posé, le marin tente la plaisanterie pour raconter son aventure. Mais une ombre passe dans son regard lorsqu'il raconte la perte de son navire et l'envol de son espoir.
"C'est excessivement difficile de monter sur un autre bateau en quittant définitivement le sien. Mais je me dis que je suis vivant", souffle le skipper français. "Et l'accueil à bord du ravitailleur a été formidable", poursuit-il.
"Et puis le Vendée Globe est une course qui me tient en haleine depuis 10 ans. J'y ai participé trois fois et j'ai abandonné trois fois. Humainement, c'est dur à vivre", avoue le skipper. "A mon âge (55 ans, ndlr), je me dis que je vais réfléchir sérieusement avant de repartir", annonce-t-il.
- Entre marins -
En le secourant, Thierry Dudouit, commandant du Marion Dufresne, a tout de suite compris que le navigateur était moralement touché. "On a vite vu qu'on était entre marins, la mer nous rapproche", souligne Thierry Dudouit. "Nous avons tout fait pour le réconforter. La perte d'un bateau n'est jamais simple à vivre".
D'autant qu'il restera des faits sans explication. "Je ne saurai sans doute jamais ce que j'ai heurté. Un animal ou quelque chose de moins naturel comme ces fûts de 100 litres que j'ai vus traîner en pagaille dans l'eau depuis que je suis à bord du Marion", déplore Kito De Pavant .
Il a simplement entendu "un gros bruit", puis vu qu'une "voie d'eau s'était ouverte dans la quille", et compris que "c'était très, très grave".
Kito De Pavant dit qu'il n'a "pas eu peur" car il "avait confiance dans le bateau et ses compartiments étanches". Mais "une fois la quille tombée, j'ai compris que la course était finie pour moi".
Alerté par la direction du Vendée Globe et le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) de La Réunion, Le Marion Dufresne l'a rejoint une dizaine d'heures après l'incident.
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Le navire ravitailleur Marion Dufresne II, au mouillage au port Le Port de la Réunion, le 30 décembre 2016
- "Si on tombe, il faut remonter" -
Le skipper souligne avoir "tout fait pendant cinq jours" pour tenter de sauver le Bastide Otio. "J'avais mis en place des choses pour qu'il dérive en direction de l'Australie", relate-t-il.
Peine perdue, les balises de son bateau ont depuis cessé d'émettre. "Il a sans doute chaviré et coulé. Ou alors, il est peut-être toujours en train de flotter et en ce moment il représente un danger pour les autres bateaux".
Parce que le bateau, c'est un peu comme le vélo: "si on tombe, il faut remonter", sourit Kito De Pavant , qui ne sombre pas dans la mélancolie. Le Bastide Otio était assuré, y compris en cas de perte totale, ce qui permet d'envisager l'avenir un peu plus sereinement.
Surtout, Kito De Pavant peut compter sur ses partenaires, "une quarantaine d'entreprises où l'on parle comme moi: avec l'accent du sud".
C'est avec eux qu'il a fixé ses prochains rendez-vous: le tour de France à la voile en juillet et la Transat Jacques Vabre "en direction du Brésil ou de la Colombie" en novembre. "Nous la ferons avec un bateau qui ne sera peut-être pas à nous, mais nous la ferons pour continuer à raconter de belles histoires", promet le navigateur.
Kito De Pavant passera le réveillon de la Saint-Sylvestre en Espagne avec "la famille et les copains".
Mais le marin se dit certain qu'il reviendra "dans la zone pour visiter vraiment Crozet, Kerguelen, La Réunion" dont il n'a vu que "des petits bouts de carte postale".