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Plus grand trimaran de course au monde, Spindrift 2 est un bolide des mers aux mensurations vertigineuses manoeuvré habituellement par un large équipage, mais Yann Guichard sera seul à la barre dimanche, au départ de La Route du Rhum: un pari fou, mais mûrement réfléchi.
40 mètres de long, 23 de large, 900 m2 de surface de voile au portant, prévu pour être maîtrisé par 12 à 14 marins: né Maxi Banque Populaire V, avant d'être racheté et rebaptisé Spindrift 2 début 2013 par Yann Guichard et Dona Bertarelli, ce géant des mers a été conçu pour les records de traversées en équipage.
Et ses performances coupent le souffle, avec une pointe de vitesse à plus de 48 n?uds (presque 90 km/h) ou 908 milles parcourus en 24 heures, soit une vitesse moyenne de 37,84 n?uds (70 km/h).
C'est pourtant dans la plus prestigieuse des transatlantiques en solitaire, La Route du Rhum, 10e du nom, que ce bolide partira dimanche, de Saint-Malo pour la Guadeloupe.
"C'est vrai que ce n'est pas le bateau le plus adapté pour faire La Route du Rhum", reconnaît le skipper de 40 ans, maniant l'euphémisme. Mais "je ne vous cache pas que j'avais envie de la refaire, parce que je l'ai faite il y a quatre ans", ajoute-t-il, évoquant ses souvenirs de la première édition, en 1978. Il avait quatre ans.
- Le mât amputé de 7 m -
Sa participation n'est pourtant ni un caprice, ni une rodomontade. "Ce n'est pas juste pour traverser et dire +ouah, je l'ai fait+. Non, je suis un compétiteur, j'ai l'esprit très cartésien", assure-t-il.
Le projet date de novembre 2013 et "depuis janvier, une douzaine de personnes sont à plein temps" pour les modifications techniques, explique à l'AFP Antoine Carraz, responsable technique du bateau.
Il a fallu "réduire la surface de voile du bateau, en coupant le mât. On a enlevé 7 mètres sur 44,5 m. Le bateau n'a plus que trois voiles d'avant, contre six auparavant, avec des voiles plus légères et un peu plus petites, optimisées pour le solitaire", détaille M. Carraz.
L'ergonomie est complètement repensée, "pour que les man?uvres qu'on faisait au minimum à quatre, mais souvent à six ou huit, puissent être faites en solitaire" et sans trop d'efforts, précise Antoine Carraz. "Il ne faut pas qu'après une man?uvre, (Yann) ne soit plus lucide et ne sache plus prendre les bonnes décisions".
- 'Un marin, c'est 200 kg' -
"Aujourd'hui je pense que je peux être compétitif avec ce bateau", confie le skipper de la Trinité-sur-Mer.
"Maintenant, dire que je vais jouer la gagne serait prétentieux. (...) Je n'ai pas l'expérience de mes adversaires. Francis Joyon , Thomas Coville , Loïck Peyron sont des gens qui ont fait du solitaire toute leur vie. Moi, je n'ai fait que La Route du Rhum il y a quatre ans".
Son principal atout, c'est sa grande connaissance des multicoques. "Ça fait plus de 25 ans que je ne fais que ça, donc je pense que je ressens bien les bateaux", glisse-t-il, soulignant que cette expérience en solitaire n'a pas vocation à se poursuivre.
"La Route du Rhum, c'est un +one-shot+ et je peux vous annoncer dès aujourd'hui que je ne ferai pas d'autres courses avec le bateau en solitaire", explique le marin, précisant que Spindrift a "un gros programme de tentatives de record sur les trois prochaines années".
Paradoxalement, cette escapade en solitaire a aussi été menée dans cette optique. "On a appris beaucoup" sur le bateau, confie Antoine Carraz, "toute la démarche de réflexion pour le solitaire sera bénéfique aussi pour l'équipage derrière".
"Par exemple, jusqu'ici on était 14 pour naviguer, maintenant qu'on a tout optimisé, tout est plus facile, on espère pouvoir naviguer à 10 ou 11. Et sur un tour du monde, une personne c'est près de 200 kilos avec ses vêtements, sa nourriture", argumente-t-il.
"Au départ de La Route du Rhum, on aura gagné 2 tonnes, près de 10% du poids du bateau, et on essaiera d'en remettre le minimum pour l'équipage car qui dit bateau léger dit vitesse élevée", renchérit Guichard.