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Seule navigatrice à avoir remporté La Route du Rhum, en 1990, Florence Arthaud déplore la faible présence féminine (4 sur 91 skippers) dans la 10e édition de cette course et dénonce la frilosité des sponsors "quand il s'agit de confier un gros bateau à une femme".
"C'est la même chose pour toutes les grandes épreuves qui coûtent cher: il est toujours aussi difficile pour une femme de trouver un budget", confie-t-elle dans un entretien avec l'AFP, avant le départ dimanche de la célèbre transat en solitaire entre Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) et Pointe-à-Pitre (Guadeloupe).
Q: Les sponsors sont-ils misogynes?
R: "Les sponsors sont toujours un peu frileux quand il s'agit de confier un gros bateau à une femme. J'étais un peu dégoûtée, lors de la dernière Route du Rhum (en 2010), quand ils ont rouvert la course aux grands voiliers. C'était le 20e anniversaire de ma victoire et j'avais l'intention d'y participer sur un immense trimaran, Oman (30 m de long, ndlr). Mais je n'ai pas réussi à avoir ce bateau, ils ont préféré le donner à un homme ( Sidney Gavignet , ndlr). Ca m'a définitivement dégoûtée et je me suis dit 'bon, j'arrête!'"
Q: Y a-t-il d'autres raisons pour expliquer cette faible présence féminine?
R: "Je pense que ce n'est pas un métier de femme. C'est un univers rude, dur, où on est tout le temps sur les mers. Enfin, en tous cas à mon époque... On n'avait rien, on n'avait pas de maison, on vivait sur nos bateaux. On avait une bande de copains qui était notre famille. Moi, j'ai fait ma fille à 36 ans. Avant, je n'ai pas eu une vie de femme. J'ai eu une vie de patachon et d'aventurière".
Q: Vous avez écrit, en 1990, l'une des plus belles pages de la course au large, en remportant la 4e Route du Rhum (14 j 10 h 08 min), battant à la régulière des "cadors" comme Philippe Poupon (2e), Laurent Bourgnon (3e) ou Mike Birch (4e). Ca reste votre meilleur souvenir?
R: "Cette victoire en 1990 est d'autant plus superbe que je l'ai faite un peu à l'ancienne car au bout de six jours, je n'avais plus de BLU (radio, ndlr). J'étais obligée de barrer tout le temps. J'ai eu des problèmes de pilote automatique, de santé... Et c'est en arrivant à Pointe-à-Pitre que j'ai su que j'étais première. J'avais pris la tête de la course le 4e jour mais après, je ne savais pas où étaient les autres. Pas de météo, pas de nouvelles. Je suis très fière de cette victoire pour tout ça... Mais les images les plus fortes, c'était lors de ma première Route du Rhum (en 1978) car je n'avais jamais fait de solitaire, je venais juste d'avoir 21 ans (...). C'était l'extase de la nouveauté et de la première fois".
Q: Il y aura cette année au départ huit trimarans de la classe Ultime, de 21 à 40 m de long. Assiste-t-on à un retour au gigantisme des années 80, qui s'est traduit en 1986 par la mort de Loïc Caradec à la barre de Royale, son maxi-catamaran de 25 m?
R: "Non, pas du tout, ça n'a rien à voir. On est en train de revivre les époques formidables où (Jean-Yves) Terlain avait un bateau de 40 m, (Alain) Colas un autre de 70 m. En 1986, les bateaux étaient beaucoup plus durs. J'avais un cata de 24 m et ma grand-voile faisait 200 kg avec les lattes. Je n'en ai jamais autant ch... Avec la technique qui a évolué, un trimaran de 31 m n'est pas plus dur à mener que nos catas de 24 m de l'époque. Les bateaux d'aujourd'hui sont plus larges, plus raides et beaucoup mieux construits".
Propos recueillis par Hervé GUILBAUD