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© AFP/NICOLAS TUCAT
Les skippers lancés à la conquête de la 48e Solitaire du Figaro, le 4 juin 2017 sur la Garonne à Pauillac
Flirter avec la zone rouge... C'est ce que font les marins sur La Solitaire du Figaro, l'une des plus éprouvantes courses au large où la fatigue peut provoquer des hallucinations et faire échouer les bateaux sur la plage.
"Il m'est arrivé de voir mon frère sur le bateau, et d'échanger avec lui, ou encore de confondre un moment de la course avec une autre situation. Tu ne sais pas si tu es dans un rêve ou dans la réalité", raconte à l'AFP Yann Eliès, triple vainqueur de La Solitaire du Figaro, au départ, dimanche, de la 48e édition.
Le navigateur de 43 ans participe pour la 17e fois à la mythique course, où les concurrents, seuls en mer durant quatre jours et trois nuits, sur quatre étapes, sont poussés dans leurs retranchements, au-delà de leurs limites.
"On est d'abord dans la résistance au sommeil, on baille, on a froid, on a besoin de dormir et puis vient le dernier stade où tu confonds le rêve et la réalité. Maintenant je me connais vraiment bien, j'évite d'aller dans ces limites-là. Quand on est amené à les tutoyer, c'est dangereux, tu peux faire des bêtises parce que ton jugement est altéré", poursuit Eliès.
Pour le médecin de la course, quand l'hallucination s'installe, il est déjà trop tard. "Le danger est pour eux et pour le bateau, ils ont une perception déformée de l'environnement. Il est arrivé de faire s'échouer le bateau sur la plage en voyant une lumière pensant que c'est la côte. Il y a le risque de tomber à l'eau, ils peuvent se faire mal, des risques de traumatismes. Ça peut aller jusqu'au malaise", explique le docteur Sophie Pourtal.
- 'France Inter dans les oreilles!' -
La direction de course a mis en place un système de sécurité avec trois bateaux qui entourent la course en permanence pour parer à toute dérive.
Passer vingt heures par jour à la barre de son bateau, avec des concurrents à vue, engendre une pression insoutenable mais aussi excitante pour les marins passionnés de grand large.
"C'est la seule course +off-shore+ (au large) au monde où c'est intense pendant un mois. C'est une réelle référence, avec la difficulté d'avancer plus vite que le voisin sur des détails. Il faut aller au bout du détail, au bout du sommeil", souligne Jérémie Beyou, en quête d'une quatrième victoire dans l'épreuve.
Le marin se connaît par c?ur et sait gérer ces états extrêmes: "Les signes avant coureurs, ce sont des sons, des acouphènes, des sifflements. Et là, il faut aller dormir ! Moi mon truc, c'est de boire beaucoup d'eau, tu bois, tu vas +pisser+", raconte Beyou.
Charlie Dalin, qui entend enfin remporter cette épreuve de légende cette année, délire aussi parfois. "J'ai des débats politiques de France Inter dans les oreilles! C'est un avertissement. Sinon, il peut m'arriver de voir une bouée passer à côté du bateau, ou une silhouette humaine sur le pont. C'est comme un état d'ébriété. Le jeu est de rester à la limite", relève le skipper de 33 ans, accro à cette épreuve de force physique et mentale.
"Je suis quelqu'un de plutôt prudent par nature mais j'aime les défis et la difficulté. J'aime bien ce combat contre la nature et moi-même. Plus c'est dur, plus j'ai l'impression d'être bon", avoue-t-il.