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Huitième dan de judo et hockeyeur amateur, Vladimir Poutine s'est évertué à incarner un président sportif à la tête d'une grande nation du sport : une stratégie qui bute désormais sur la menace de suspension pour dopage de ses athlètes aux prochains JO.
La Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) se réunit vendredi dans la soirée pour décider d'une éventuelle sanction après la publication par l'Agence mondiale antidopage (AMA) d'un rapport explosif.
Corruption des athlètes, des entraîneurs et des dirigeants, laboratoire antidopage infiltré par les services secrets russes : tous les niveaux de l'athlétisme russe semblent concernés, au point que le rapport évoque un "dopage d'Etat".
Ces graves accusations interviennent au moment où la Russie traverse la pire crise diplomatique de ces 25 dernières années avec les Occidentaux et où elle est touchée de plein fouet par une crise économique déclenchée par les sanctions occidentales à son égard.
Désormais se pose une question : la Russie va-t-elle devenir le nouveau paria du sport mondial ?
Avant la réunion de l'IAAF, Vladimir Poutine a adopté un ton conciliant et assuré que la Russie ferait tout pour éradiquer le dopage, ordonnant une enquête à la suite des révélations de l'AMA sur ce "problème".
- Poutine 's'est senti insulté' -
Mais "il s'est senti extrêmement insulté par le scandale", estime Igor Bounine, président du Centre des technologies politiques, un groupe de réflexion proche du Kremlin.
"Le sport est un élément de son propre prestige et de celui de l'Etat", poursuit le politologue, rappelant que Vladimir Poutine "s'était énormément impliqué en faveur des JO (d'hiver) de Sotchi" en 2014.
La première trace de cette implication remonte à un voyage au Guatemala en 2007, où était désigné l'organisateur des JO-2014. Pour convaincre les membres du Comité international olympique (CIO), le président russe avait été jusqu'à donner un discours en anglais, une langue qu'il n'utilise jamais.
Sotchi battit de quatre voix son adversaire sud-coréen, Pyeongchang, et les travaux des JO-2014, supervisés directement par le président russe, furent les plus chers de l'histoire.
Sportivement, la Russie y rafla 33 médailles, dont 13 en or, des résultats exceptionnels d'ailleurs épinglés dans le rapport de l'AMA.
En 2010, la Russie ajouta une nouvelle ligne à ce prestige retrouvé en obtenant l'organisation du Mondial-2018 de football.
Quand la justice suisse a lancé une enquête sur les conditions d'attribution des Mondiaux 2018 et 2022 (NDLR: au Qatar), le président russe a dénoncé une "nouvelle tentative évidente (des Etats-Unis) d'étendre sa juridiction à d'autres Etats".
Selon le politologue Alexandre Baounov, du centre Carnegie de Moscou, le Kremlin pourrait être de nouveau tenté de crier à la main-mise de Washington si l'IAAF mettait ses menaces à exécution.
"De tels scandales sont vus comme une façon d'empêcher la Russie de retrouver sa grandeur, un thème populaire de nos jours", explique-t-il.
- Plus que Teddy Riner -
a fait de la pratique sportive un élément clé de sa politique. "Au moins 40% des Russes doivent pratiquer régulièrement un sport", disait-il en juin 2014 à la télévision russe.
Lui-même n'hésite pas à se mettre en scène. Huitième dan de judo, soit trois de plus que le multiple champion du monde français Teddy Riner, il participe chaque année à un match de hockey sur glace avec des stars de la discipline, marquant même... huit buts lors de la dernière édition.
Pourtant, expliquait-il récemment en présentant une nouvelle chaîne publique consacrée au sport, Match TV, il ne savait pas tenir sur des patins il y a encore trois ans et demi.
Si les scandales entourant le dopage russe ou l'organisation de la Coupe du monde 2018 peuvent ternir l'image de la Russie à l'étranger, il est toutefois peu probable qu'ils aient un impact sur la popularité du président russe.
"Pour les Russes, c'est un complot contre un grand pays, une tentative de mettre à genou une superpuissance du sport", assure Igor Bounine alors que, selon un sondage du centre Levada publié en juin, 29% des Russes font de la réussite sportive de la Russie leur plus grande source de fierté.
Vladimir Poutine n'est de toute façon pas prêt à prendre le risque de voir la Russie manquer les jeux Olympiques de Rio, en 2016. "Il ne va pas entrer en conflit" avec l'AMA, estime Igor Bounine : "Il acceptera toutes leurs conditions, juste pour voir les athlètes russes aux JO".