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Privé de compétition après avoir choisi de rester dans l'est séparatiste de l'Ukraine, le vice-champion d'Europe 2010 du saut à la perche, Maksim Mazuryk, envisage de s'exiler en Russie, le pays voisin et ennemi de Kiev.
Il a défendu les couleurs de l'Ukraine depuis sa jeunesse. Sous le maillot jaune et bleu, il a notamment été champion du monde juniors en 2002 et vice-champion d'Europe en 2010, et a participé à deux jeux Olympiques (2008, 2012). Mais à bientôt 32 ans, Maksim Mazuryk ne se sent plus Ukrainien: "Avant oui. Plus maintenant".
Depuis plusieurs mois, la fédération ukrainienne lui a fait comprendre que pour continuer à représenter son pays, il devait quitter le Donbass, le bassin minier industriel de l'est du pays où le conflit armé entre les forces ukrainiennes et les séparatistes prorusses a fait plus de 5.400 morts depuis avril.
"Je n'ai jamais envisagé de partir ailleurs en Ukraine, assure-t-il. Mon choix n'a pas été difficile. Je suis né ici, ma vie s'est construite ici".
"Cet hiver, il y avait un rassemblement de l'équipe nationale à l'étranger. Quand j'ai demandé un rassemblement plus près d'ici, ils m'ont répondu: +On fait des rassemblements uniquement pour les patriotes+, raconte-t-il. J'ai été rejeté de la sélection parce que je suis de Donetsk, je n'ai pas envie d'y retourner", explique le sportif.
- Entraîneur par correspondance -
Pour lui, pourtant, "le sport dans le Donbass est ukrainien". "Mais il y a trop de politique dans le sport. L'Ukraine fait tout pour compliquer la vie aux athlètes du Donbass", soupire-t-il.
Certains ont cédé et rejoint des régions sous contrôle de Kiev. En raison de son choix et de blessures, lui n'a pas participé à une grande compétition depuis fin juillet 2014.
Pour autant, ce grand gaillard d'1,90 m continue à venir chaque jour s'entraîner dans le vétuste mais mythique manège d'athlétisme de Donetsk, où la légende Sergueï Bubka répétait ses gammes avant lui.
"Mes habitudes d'entraînement n'ont pas changé, explique-t-il. Ce qui a changé, c'est le bruit qui accompagne mes séances".
Depuis mai, ses entraînements sont rythmés par le son des canons, qui a remplacé les éclats de voix des jeunes. Et dans la coursive aérienne, il a pour spectateurs des combattants en armes qui font une pause entre deux patrouilles.
"Le seul inconvénient, c'est que j'ai perdu mon entraîneur, estime-t-il. On lui a proposé un autre poste (entraîneur de l'équipe de perche turque, NDLR) et il est parti. Mais je me filme, je lui envoie les images et il me donne des conseils par téléphone. J'ai aussi Denis Iourtchenko (3e aux Jeux de Pékin, NDLR) pour m'aider ici".
- 'Un blocus sportif' -
"Plusieurs amis perchistes russes m'ont invité à m'entraîner chez eux, à Krasnodar, explique-t-il. Si ça continue, je serai obligé d'y aller pour avoir une chance de participer aux jeux Olympiques."
Car c'est son dernier objectif: les Jeux de Rio en 2016. Mais Mazuryk en est encore loin. Il n'a plus de fédération de tutelle pour s'inscrire aux compétitions majeures. Et la destruction de l'aéroport de Donetsk, avec le système de laissez-passer instauré par Kiev, rendent également "quasiment impossible" tout déplacement.
"La compétition me manque. Je regarde les compétitions en France, en Allemagne... C'est dur", explique l'athlète, qui affirme subir un "blocus sportif". "L'idée qui me vient souvent, c'est de changer de nationalité", confie-t-il. Et la Russie sonne là encore comme une évidence.
"Nous avons une frontière commune, les Russes ont toujours été des amis. Et même si je dois partir à l'étranger, c'est plus simple depuis la Russie", explique-t-il.
La route des Jeux de Rio ne sera pas aisée. Outre les critères de performance sportive, pour être autorisé à participer sous de nouvelles couleurs il faut avoir vécu pendant un certain nombre d'années dans son pays d'adoption. Et il faut aussi que l'ancienne fédération délivre une lettre de sortie.