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"Running is not enough" -"Courir ne suffit plus"- est le slogan du Mud Day, course d'obstacles dans la boue. Ce pourrait aussi bien être celui de la Colour, de la D-Day Run, de la Déjantée ou de la Chti, leurs versions terroir, tant ces courses festives sont loin des codes historiques du running.
Les jargonnants les appellent les "fun runs". Olivier Bessy, sociologue spécialiste du phénomène de la course à pied et de ses dérivés, préfère le terme plus académique de "courses hédonistes. Car l'on y recherche plus le plaisir que l'ascèse".
"Dans le running classique, le plaisir est différé. C'est le bien-être postérieur. Dans ces courses, il est dans l'instant". Ramper dans la boue (Mud Day, Déjantée), reproduire le parcours du combattant débarquant sur les plages de Normandie (D-Day Run), courir la nuit avec une lampe torche sur la tête (Electric Run) serait donc plus jouissif que de jogger tout court sur l'asphalte? "La notion de plaisir est relative. On peut prendre du plaisir en faisant des choses très dures", réplique le sociologue, enseignant à l'Université de Pau.
Les Etats-Unis, d'où sont dupliquées les courses actuelles, n'ont rien inventé. Le marathon du Médoc, première fun run made in France, a 30 ans et toujours du succès, même si ses fans ont vieilli avec elle.
Porté par la génération des trentenaires urbains connectés, le succès des fun runs version années 2010 est stupéfiant, proportionnel à la croissance phénoménale du running qui attire aujourd'hui plus de neuf millions de Français, soit 20% de la population en âge de pratiquer! Les codes, cependant, en sont très différents.
- Le royaume du selfie -
"L'immense majorité des participants aux fun runs s'inscrivent par équipes et décident de ne pas être chronométrés", note Yann Le Moenner, directeur général d'ASO, organisateur du Marathon de Paris et du Mud Day, entre autres. "Le running, qui est à la base un truc individualiste, devient un phénomène de groupe, une communauté qui fonctionne avec le bouche à oreilles et les réseaux sociaux."
A ce titre, aucun inscrit à une fun run ne se déplace sans son smartphone ou sa caméra. Le running devient le royaume du selfie et de la mise en scène.
Poussée à l'extrême, cette implication des nouveaux médias a accouché de la Checkpoint Race, une course connectée que chacun peut réaliser où et quand il veut avant de transmettre ses données grâce à une application qui les transforme en points de classement.
Si les nouvelles technologies dopent la pratique, si chaque territoire veut sa compétition (la Déjantée en Limousin, la Chti en Nord-Pas-de-Calais) alimentant ainsi le processus, les marques ne sont pas à la traine. Un fabricant de piles est ainsi le sponsor titre de l'Electric Night Run disputée avec des lampes frontales. Au-delà de ce partenariat de circonstance, les équipementiers sont les premiers à faire preuve d'une inventivité galopante.
- Effet masse -
Le Japonais Asics, leader sur le marché du running, lance ainsi en juin sa course contre le soleil. "Beat the Sun" opposera cinq équipes, une de chaque continent, qui tenteront de faire le tour des contreforts du Mont Blanc en moins de 15 heures, soit moins de temps que le soleil pour faire sa révolution.
"Il faut casser les habitudes pour inspirer les participants, estime Michael Price, directeur marketing d'Asics, leur donner une expérience extraordinaire pour qu'ils continuent à courir."
Malgré une demande inexistante à l'origine, ces courses ont aujourd'hui leur propre économie. Un modèle "validé par le droit d'inscription (au minimum 40 euros) et l'effet de masse qui permet facilement un retour sur investissement", analyse Lionel Maltese, maître de conférence en management du sport à l'Université d'Aix-Marseille.
"L'intérêt de ces courses est de créer une expérience émotionnelle à travers une ambiance conviviale, qui soit un terrain fertile pour exposer les services des marques", explique Lionel Maltese, soulignant l'utilisation par celles-ci de "la fusion entre l'homme et la nature".