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Un mois à peine après avoir fêté le record du monde du marathon, pulvérisé par un ex-fermier masaï de la vallée du Rift, l'athlétisme kényan est soupçonné de dopage avec le contrôle positif de sa marathonienne vedette.
Le 28 septembre, à Berlin, Dennis Kimetto est le premier homme à passer sous les 2 heures 3 minutes sur le 42,195 km. En même temps ou presque, au Kenya, Rita Jeptoo est contrôlée, dans le cadre de l'entraînement.
Un mois plus tard, vendredi, c'est le coup de tonnerre. La Fédération kényane d'athlétisme annonce que l'échantillon A prélevé sur la marathonienne de 33 ans est positif à l'EPO, un produit qui améliore l'endurance et permet de récupérer plus rapidement dans les périodes d'entraînement intensif.
Jeptoo nie aussitôt "avoir pris tout produit dopant". Tant que l'échantillon B ne sera pas analysé, la meilleure marathonienne actuelle, trois fois victorieuse à Boston et deux fois à Chicago, ne pourra être considérée officiellement comme dopée.
Mais les critiques n'attendent pas l'analyse définitive du laboratoire pour viser une nouvelle fois les dirigeants de l'athlétisme kényan, accusés d'avoir trop longtemps fermé les yeux.
"Si le Kenya veut retrouver la confiance, ou au moins atténuer la perte de confiance inévitable qui découle de ce test visant Jeptoo, alors il doit immédiatement et sans délai s'ouvrir à un contrôle international indépendant", a plaidé samedi Ross Tucker, un scientifique sud-africain, spécialisé dans le sport.
- 'La crédibilité du Kenya en jeu' -
"Ce qui signifie donner les noms des entraîneurs, des agents et de tous les membres du système qui entoure Rita Jeptoo ", a insisté le rédacteur en chef du respecté site internet sportsscientists.com.
Entre janvier 2012 et juin 2013 près d'une vingtaine d'athlètes kényans avaient déjà été contrôlés positifs. Mais aucun n'avait le calibre de Jeptoo.
Face à cette annonce, les organisateurs des World Marathon Majors (WMM), les six plus grands marathons du monde (Berlin, Boston, Chicago, Londres, New York et Tokyo) ont aussitôt réagi.
La dernière victoire de Rita Jeptoo , en octobre, à Chicago, a eu lieu quelques semaines après son contrôle positif. Il est donc devenu urgent d'attendre avant de remettre à la Kényane de 33 ans son prix de marathonienne de l'année, d'un montant de 500.000 dollars. Une cérémonie qui devait avoir lieu dimanche, dans le cadre du Marathon de New York. Ou c'est un autre Kényan, double tenant du titre, Geoffrey Mutai , qui est le grand favori.
"La crédiblité du Kenya est en jeu", a reconnu samedi Barnaba Korir, président de la section de Nairobi de la Fédération kényane d'athlétisme et ancien manager de Jeptoo. Selon lui, la Fédération et notamment son président Isaiah Kiplagat "n'ont pas perçu à quel point cette question du dopage était sérieuse, ils l'ont prise trop à la légère".
- Les agents étrangers visés -
Ces accusations ne sont pas nouvelles concernant le Kenya, où le rugby à VII, en pleine expansion, a également été visé avec des stéroïdes retrouvés dans les compléments alimentaires utilisés par les joueurs.
"Rien ne s'est passé, il n'ont rien fait", avait asséné en 2012 l'Australien John Fahey, alors président de l'Agence mondiale antidopage, déplorant qu'aucune enquête n'ait été ouverte au Kenya après un reportage à charge de la chaîne de télévision allemande ARD.
Nairobi n'avait réagi qu'un an plus tard, en novembre 2013, avec la création d'une commission spéciale d'enquête. Et celle-ci avait attendu mai 2014 pour rendre un rapport qui avait désigné des coupables: "Les agents étrangers" des athlètes...
"Les médicaments que nous avons trouvés et qui ont été utilisés par les athlètes l'ont été sous l'influence des agents étrangers, ce sont des médicaments très sophistiqués, que seuls les agents étrangers savent administrer", avait conclu le document.
Le président de cette commission, Moni Wekesa, un avocat spécialisé en médecine sportive, continuait d'ailleurs samedi sur cette position: "Dans notre enquête nous avons clairement affirmé que nos athlètes sont managés par des agents étrangers, et que ce sont ces agents qui dopent les athlètes."
Pour Ross Tucker, blâmer de façon unilatérale des agents extérieurs est "une défense totalement inutile et absurde": "La question n'est pas de savoir comment le problème est survenu. Il est là, et ce sont vos athlètes qui sont concernés."