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Courir peut être bien plus plus qu'un loisir: Pour des dizaines de réfugiés coincés depuis des années dans les méandres administratifs de Hong Kong, c'est une respiration qui les empêche de céder au désespoir.
Ils viennent du monde entier, fuient la violence et en portent parfois les stigmates. Mais sur cette piste d'athlétisme du sud de l'ex-colonie britannique où ils enchaînent les tours, le passé s'évanouit à mesure que le rythme cardiaque s'élève.
"On est toujours en train de gamberger. Mais quand on court, on se sent bien. On respire", confie à l'AFP Dawoud, arrivé du Proche-Orient voilà déjà quatre ans et demi.
Chaque semaine, il profite de l'entraînement organisé par l'ONG "Free to Run" pour rencontrer des gens et oublier. Car la course à pied est un redoutable palliatif.
Hong Kong n'accorde aucun statut de réfugié aux migrants posant le pied sur son sol. Tout au plus peuvent-ils attendre, parfois pendant des années, qu'un pays tiers veuille bien les accueillir.
Dans l'intervalle, ils ne peuvent légalement travailler et vivent grâce aux allocations du gouvernement et à l'aide des associations.
"Il ne faut pas que je reste chez moi, il faut que je m'occupe. Courir m'aide à avancer", raconte Naina, qui a fui l'Asie du Sud il y a 12 ans.
"Depuis que je suis ces entraînements, j'ai perdu du poids et je me sens plus forte", poursuit celle qui a récemment terminé un 30 kilomètres.
"J'ai désormais la force de parler avec les gens alors qu'avant, j'étais repliée sur moi."
- Rompre l'isolement -
"Free to Run" s'est fixé pour mission d'utiliser la course à pied et d'autres sports pour redonner confiance aux femmes provenant de zones de conflit. Voilà un an qu'elle organise des entraînements mixtes avec l'association locale Justice Centre.
La plupart des femmes, comme Naina, commencent par des randonnées sur les collines escarpées qui dominent la baie de Hong Kong. Quand elles s'en sentent l'envie, elles passent aux entraînements sur piste.
Actuellement, 28 coureurs sont inscrits. Pour les deux tiers, des femmes qui n'avaient jamais auparavant pratiqué la course à pied. Le niveau est inégal, mais tous prennent très au sérieux les conseils de l'entraîneur.
"Courir est une façon très simple de les aider à se sentir mieux", explique la directrice pour Hong Kong de "Free to Run", Virginie Goethals, elle-même adepte des longues distances.
Adam, lui, a fui la Somalie il y a trois ans après que son frère y eut été tué. "Je me sens en sécurité (à Hong Kong) mais je suis inquiet pour la suite", confie-t-il.
Courir lui permet de tuer le temps en attendant que son dossier de réfugié avance. C'est aussi une façon de rompre l'isolement: "Ici nous sommes ensemble, nous parlons. C'est largement mieux que de rester à ruminer à la maison."
- Précarité -
Beaucoup n'avaient auparavant jamais entendu parler de Hong Kong, une ville qu'ils ont ralliée grâce à des passeurs et qui ne devait être qu'une étape.
N'ayant pas signé la Convention de l'ONU relative au statut des réfugiés, l'ex-colonie britannique ne permet pas aux réfugiés de d'installer de façon permanente sur son sol. Elle n'en demeure pas moins tenue par la Convention de l'ONU contre la torture, qui interdit de renvoyer dans son pays d'origine quelqu'un qui risquerait d'y être torturé.
Cela signifie que les autorités hongkongaises doivent examiner les demandes de protection temporaire des personnes qui invoquent ce risque. Les menaces de persécution sont également prises en compte.
Après examen, certains dossiers sont transmis au Haut Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) qui peut trouver un pays d'accueil aux migrants.
Ceux dont les dossiers sont refusés sont renvoyés chez eux ou entreprennent un long combat judiciaire.
Les ONG dénoncent le fait que même ceux dont la demande d'asile est étayée sont cantonnés à la marge de la société le temps que leur dossier soit examiné, qu'on leur trouve un pays d'accueil ou que la situation s'améliore dans leur pays d'origine.
"Ils ne peuvent s'intégrer, ne peuvent obtenir un domicile et n'ont pas le droit de travailler", déplore Victoria Wisniewski Otero, du Justice Centre. "Cette précarité a souvent raison de leur confiance en eux."
Les autorités hongkongaises justifient les délais par un impératif de rigueur dans l'examen des demandes pour éviter une "arrivée massive" de ceux qu'elles présentent comme des immigrants clandestins.
On dénombre actuellement 11.000 demandes d'asile temporaire en attente d'examen à Hong Kong, selon le ministère de l'Immigration.
Il précise qu'il faut compter 25 semaines pour examiner un dossier. Certains affirment que dans les faits, les délais sont beaucoup plus longs.