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Capable de mener jusqu'à 400 tests par jour pendant de grandes compétitions, le laboratoire antidopage de Moscou tourne désormais à vide, au c?ur d'un scandale mêlant dopage et corruption qui pourrait aboutir à l'absence des athlètes russes aux prochains Jeux de Rio (5-21 août).
L'accréditation du laboratoire, provisoirement suspendue depuis novembre dernier, a été officiellement retirée en avril par l'Agence mondiale antidopage (AMA) pour manque de respect des normes internationales en matière de contrôle antidopage. Dans le même temps, un très léger assouplissement de la sanction a permis à ses 52 employés de mener une petite dizaine de tests sanguins mineurs en mai.
Mais les salles, à température glaciale pour préserver l'équipement scientifique, semblent presque inoccupées: les employés sont peut-être allés déjeuner, ou ils ont voulu éviter la visite organisée pour la presse par la direction du laboratoire.
"Nous faisons tout notre possible pour retrouver notre crédibilité, pour que l'on nous fasse confiance", déclare Grigori Krotov, à la tête du département d'analyse sanguine.
"Nous coopérons avec l'AMA et nous sommes prêts à mettre en place toutes les règles qu'elle introduira. C'est pour cela que nous sommes tous restés", explique-t-il.
- Rodtchenkov, un 'type bizarre' -
Depuis avril, le laboratoire est quasiment à l'arrêt : la révocation par l'AMA de l'accréditation du laboratoire de Moscou signifie qu'il n'a plus le droit d'analyser d'échantillons, sauf ces quelques prélèvements sanguins en mai.
Cette suspension cause d'importants soucis aux athlètes russes : pour qu'un contrôle antidopage soit valable, les échantillons doivent parvenir en moins de 48 heures à un laboratoire certifié par l'AMA, dans un autre pays donc, explique M. Krotov.
Dans un rapport publié en novembre, l'AMA avait accusé le laboratoire d'être au c?ur d'un système de dopage organisé dans l'athlétisme russe.
Alors directeur du laboratoire, Grigori Rodtchenkov a depuis été licencié et a déménagé aux Etats-Unis. Il a admis avoir détruit volontairement 1.417 échantillons avant une inspection de l'AMA, en pleine enquête.
Mi-mai, sa prise de parole dans les pages du New York Times a provoqué un nouveau séisme : il y affirme que des dizaines de sportifs russes, dont quinze médaillés olympiques, ont profité d'un système de dopage organisé et supervisé par les services secrets russes lors des jeux Olympiques de Sotchi en 2014.
"Si c'est vrai, il a tout caché et l'a fait seul", assure M. Krotov, qui travaillait au troisième étage du laboratoire de Sotchi lors des Jeux. L'ancien directeur du laboratoire était perçu par ses collègues comme un "type bizarre", affirme-t-il, ajoutant avoir été "choqué" par ses révélations.
La directrice par intérim du laboratoire, Marina Dikounets, s'est elle aussi dite "très surprise" par les révélations de son prédécesseur.
"Chaque employé ayant travaillé au laboratoire olympique a fait son travail avec professionnalisme", assure-t-elle tout en refusant de se prononcer sur le travail de M. Rodtchenkov.
"Nous souhaiterions ouvrir un nouveau chapitre", explique-t-elle en soulignant voir d'un bon oeil la proposition de l'AMA de nommer un étranger à la tête du laboratoire.
Cela "montrerait au public que le laboratoire fonctionne en accord avec les normes internationales et qu'il est ouvert et transparent", juge Mme Dikounets.
- Le laboratoire en cause, pas l'Etat -
Qualifiées de "calomnies d'un transfuge" par le Kremlin, les déclarations de M. Rodtchenkov ont été suivies quelques jours plus tard de nouvelles révélations, cette fois-ci venant du Comité international olympique (CIO): quatorze athlètes russes ayant participé aux JO de Pékin en 2008 ont été contrôlés positifs après la réanalyse de leurs échantillons de l'époque.
Après avoir un temps jugé "absurdes" les révélations de M. Rodtchenkov, le ministre russe des Sports Vitali Moutko a alors assuré l'AMA de son soutien. Il a toutefois rejeté sur le CIO la responsabilité d'un éventuel problème pendant les Jeux de Sotchi.
"Le Comité international olympique a organisé les jeux Olympiques de Sotchi. Où est la responsabilité de l'Etat ?", s'est-il exclamé mardi. "En tant que gouvernement, nous ne connaissons pas les résultats (des contrôles), ce n'est pas notre affaire. C'est celle du CIO. Nous ne contrôlons rien ici."
Vladimir Poutine a néanmoins assuré que Moscou offrirait "toute l'aide" dont auront besoin les enquêteurs de l'AMA, alors que la Russie reste suspendue à la décision de la Fédération internationale d'athlétisme, qui statuera le 17 juin sur la présence des athlètes russes aux Jeux de Rio.