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La Russie, accusée de "dopage organisé", a coupé une première tête avec le départ du directeur du laboratoire antidopage de Moscou, en attendant une prise de parole du président Vladimir Poutine, à deux jours d'une possible suspension du pays de toute compétition d'athlétisme.
Volonté de donner des gages avant cette date couperet ou simplement de trouver un bouc émissaire? Le chef du laboratoire antidopage moscovite au centre des soupçons, Grigory Rodchenko, a officiellement démissionné tard mardi soir.
Dans son rapport publié lundi, qui a déclenché un scandale sans précédent, l'Agence mondiale antidopage (AMA) accusait Rodchenko d'être au coeur d'un système généralisé de dopage, qui incluait la destruction des tests positifs aux produits dopants.
Selon l'AMA, 1.417 échantillons ont été détruits en décembre 2014, à la veille de la visite de sa commission d'enquête... qui avait signalé son arrivée à Grigory Rodchenko.
Dans ce contexte de soupçons généralisés contre la Russie, Vladimir Poutine doit présider une réunion des dirigeants des fédérations sportives, à Sotchi où ont été organisés les JO d'hiver 2014. But de cette réunion, programmée de longue date pour mercredi: parler de la préparation des sportifs russes pour les JO de 2016.
Cette rencontre est cependant retardée pour le moment par des précipitations exceptionnelles qui empêchent les responsables des fédérations de rejoindre M. Poutine, déjà à Sotchi.
Pour la Russie, le temps presse: la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) se réunira vendredi pour statuer sur une éventuelle suspension du pays de toute compétition, qui pourrait à terme le priver des JO-2016 de Rio. Une solution radicale pour laquelle plaide la commission d'enquête indépendante de l'AMA.
- 'Souiller l'image' du pays -
Moscou reste droit dans ses bottes: une suspension de la Russie des JO-2016 viserait à se débarrasser d'un "concurrent important" et à "souiller l'image" du pays, a estimé mercredi le ministre des Sports Vitali Moutko, un proche de Poutine, qui participera lui aussi à la réunion de Sotchi. Mardi déjà, un porte-parole du Kremlin avait assuré que les accusations de dopage organisé étaient "infondées".
Mardi soir, la Russie qui organisera le Mondial de football en 2018 a reçu un soutien presque inattendu.
Le Comité international olympique (CIO) a affirmé qu'il n'avait "aucune raison de mettre en doute la crédibilité des contrôles antidopage réalisés aux jeux Olympiques d'hiver 2014" à Sotchi. Le laboratoire qui les a pratiqués était celui de Sotchi, non de Moscou.
Pour autant, le scandale est énorme et rappelle le système de dopage institutionnalisé mis en place du temps du bloc soviétique, notamment en RDA.
Ce scandale peut-il s'étendre à d'autres pays et d'autres sport, comme le laisse craindre le rapport? Si c'était le cas, la crédibilité du sport et des valeurs morales qu'il est censé porter recevrait un coup terrible, à neuf mois des JO de Rio et sept de l'Euro de football en France. D'autant que le tableau a déjà été noirci par les accusations de corruption à la Fifa.
- D'autres pays, d'autres sports -
"La Russie n'est pas le seul pays, ni l'athlétisme le seul sport, à faire face au problème du dopage organisé", a asséné l'AMA dans son rapport.
"Le Kenya a un vrai problème. S'ils ne travaillent pas sérieusement (contre le dopage), je pense que quelqu'un le fera pour eux", a lancé sans détours lundi Dick Pound, président de la commission indépendante de l'AMA.
"C'est injuste de se concentrer uniquement sur la Russie. Il devrait y avoir la même enquête sur des pays comme le Kenya et l?Éthiopie", a déclaré mercredi au journal britannique The Guardian le lanceur d'alerte russe Andrey Baranov, un agent d'athlète ayant collaboré avec l'AMA.
Selon plusieurs experts, le dopage organisé existe surtout dans des pays où le régime est fort. "De telles fraudes ne peuvent être qu'étatiques, avec plusieurs décideurs impliqués dont les services secrets", explique un spécialiste requérant l'anonymat, qui cite la Chine.
Outre l'athlétisme et le cyclisme avant lui, la natation, le ski de fond et l'aviron sont évoqués dans le rapport de la commission d'enquête.
Au-delà de la seule question du dopage, le scandale qui a éclaté cette semaine est marqué par des soupçons de corruption: le Sénégalais Lamine Diack (82 ans), qui a quitté en août son poste de président de l'IAAF après 15 ans de règne, est accusé d'avoir couvert le dopage d'athlètes russes moyennant finances.
En France, la justice s'est saisie de l'affaire avec la mise en examen de Diack pour corruption passive et blanchiment aggravé.
Son conseiller juridique et compatriote Habib Cissé ainsi que l'ancien médecin français responsable de l'antidopage à l'IAAF Gabriel Dollé ont été mis en examen pour corruption passive.
Diack a démissionné du CIO, dont il était membre honoraire, a annoncé le Comité mercredi, après l'avoir dans un premier temps suspendu provisoirement.