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C'est le dilemme de l'athlète russe depuis des mois. Comment se préparer dans de bonnes conditions pour les JO quand son ticket pour Rio dépend, non pas de ses résultats, mais de la décision des instances sportives internationales sur fond de scandale de dopage.
Sur la piste du stade Meteor, à Joukovski, dans la banlieue de Moscou, tout est réuni pour rappeler aux athlètes russes que Rio est pour l'heure bien loin. Les tribunes sont quasi-vides, il pleut, et les résultats ne sont pas au rendez-vous.
Le lanceur de marteau Sergey Litvinov participe à contre-coeur. Il souffre d'une douleur au muscle fessier qui, normalement, devrait le contraindre au repos.
Sauf que l'interdiction de compétitions internationales, imposée à l'ensemble des athlètes russes après les révélations de l'Agence mondiale antidopage (AMA) sur le dopage dans l'athlétisme russe, complique singulièrement sa préparation olympique. Il a besoin de se mesurer à des adversaires. Donc il force et enchaîne les lancers.
"Je devais participer parce qu'il y a très peu de rencontres et il faut en profiter", dit-il après avoir réalisé le 2e meilleur lancer de la compétition.
"Si j'étais resté chez moi à soigner ma blessure, il y aurait eu le risque que je ne sois pas prêt mentalement à participer à la principale compétition", les JO, résume-t-il.
Le colosse l'admet: ses performances en baisse sont tout autant dues à l'absence de compétition internationale qu'aux montagnes russes émotionnelles qu'il a connues depuis l'annonce de sa suspension.
"Quand une personne fixe dans son inconscient un but, c'est bien plus facile pour lui de s'y tenir", explique-t-il. "Mais quand il y a des sortes de doutes (...), tu t'entraînes mais ta concentration à 100% passe à 80, 90, 70%."
- Chronos en berne -
La Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) doit rendre son verdict vendredi à Vienne sur la participation ou l'absence des athlètes russes aux JO (5-21 août).
En attendant, il faut s'entraîner comme on peut, profiter de ce meeting de Joukovski, avant les championnats de Russie la semaine prochaine. Comme Mariya Kuchina , espoir national du saut en hauteur, qui remporte le tournoi avec un saut à 1,90 m alors qu'elle avait effacé 2,01 m à Pékin en 2015 pour remporter l'or et le titre de championne du monde.
"On aurait vraiment besoin de compétitions internationales parce que l'atmosphère ici est vraiment différente, les concurrents sont vraiment différents", lance la jeune fille de 23 ans, déçue.
Le spécialiste du 110 m haies et grande chance de médaille à Rio en temps normal, Sergey Shubenkov , se désole lui aussi de ses chronos.
Il a certes gagné mais les commentateurs sportifs font la grimace: son temps est bien en deçà de ses performances habituelles.
"Un temps de 13 sec 41, ce n'est pas le genre de temps que tu veux avoir en juin", à quelques semaines des JO, admet l'athlète de 25 ans.
En 2015, il avait claqué 12 sec 98 au 110 m haies pour décrocher l'or aux Mondiaux de Pékin, répétition générale des JO.
"Il y a une explication logique: nous avons eu une saison en quelque sorte différente", euphémise-t-il.
- JO de Los Angeles -
Lorsque les athlètes russes ont été bannis des compétitions internationales, ils ont d'abord éprouvé colère et incompréhension, notamment ceux qui n'ont jamais été pris pour dopage. Aujourd'hui, l'anxiété et la nervosité dominent.
Pour Sergey Shubenkov et Sergey Litvinov, une éventuelle suspension aurait un goût de déjà-vu familial.
En 1984, la Guerre froide avait ruiné les espoirs de médaille olympique de la mère de Sergey Shubenkov , l'heptathlonienne Natalya Shubenkova. L'Union soviétique et les pays satellites du bloc socialiste avaient boycotté les Jeux de Los Angeles en représailles au boycott quatre ans plus tôt des JO de Moscou par les pays de l'Ouest.
Le père de Sergey Litvinov, lui aussi lanceur de marteau, avait également dû renoncer aux JO de 1984.
Mais cette fois, reconnaissent leurs enfants, la situation est différente: leur absence ne sera pas imputable à un choix politique de leur pays.
"Ce n'est pas notre décision", regrette Sergey Shubenkov . "Nous sommes forcés".