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"Ces jeunes hommes sont-ils prêts ?", lance l'organisateur. Le Brésilien Frederico Fischer enfile ses baskets. Très grand, incroyablement baraqué, il paraît avoir 70 ans. Pourtant, il en a 28 de plus et s'apprête à courir la finale mondiale du 100 mètres.
Lyon accueille jusqu'au 16 août les championnats du monde d'athlétisme des vétérans. On est vétéran à partir de 35 ans mais on l'est d'autant plus à près de 100 !
Sous une tente, les athlètes se préparent. Ils sont sept concurrents, répartis en deux catégories, les plus de 90 ans et les plus de 95 ans.
Le Péruvien Hugo Delgado Flores a l'air bien vaillant à 91 ans dans son ensemble rouge avec sa queue de cheval et sa barbichette.
Le Grec Andra Polychronopoulos arrive flegmatique. Il se baisse pour lacer ses chaussures et l'organisation arrive en courant avec une chaise. Il n'en veut pas. Pas besoin, dit-il...
Sa fille à côté semble avoir bien plus le trac que lui. "Mon père est un homme très optimiste. Son secret: avoir une alimentation très saine. Il mange tout cuit à la vapeur, même la viande", sourit-elle.
La chaleur ne l'inquiète pas trop (il fait presque 40 degrés), ce sont plutôt ses adversaires et comme d'habitude, les Japonais, car là bas, il courent centenaires ! Le recordman des plus de 100 ans est d'ailleurs Hidekichi Miyazaki - "Golden Bolt" de son surnom.
Alors qu'ils s'apprêtent à rejoindre la piste, un nuage inespéré fait baisser la température. Un soulagement bienvenu alors que les organisateurs n'avaient pas voulu annuler l'épreuve malgré l'alerte orange à la canicule.
"On est sur des finales, ce sont des athlètes qui ont l'habitude", justifiait Nicolas Doumeng, directeur de la compétition.
Derrière, le micro annonce: "Oui, Mesdames et Messieurs, ils ont plus de 90 ans". Ils sont prêts, deux ont l'autorisation de partir debout, sans les starting-blocks.
Dans les gradins, presque pleins, les applaudissements sonnent comme un grand coup de chapeau pour ces athlètes d'un autre siècle, tous nés avant 1926.
Ils s'élancent. En bout de piste, des dizaines de médias se bousculent pour voir l'exploit. Et en moins de 20 secondes (19.76), c'est le Péruvien Delgado Flores qui l'emporte.
Le doyen Frederico Fischer n'arrive que 2e dans sa catégorie des plus de 95 ans derrière le Britannique Charles Eugster, 96 ans (23.50). Mais avec un chrono de 24.89 secondes, il fait mieux que son cadet grec arrivé bon dernier avec 27.57 secondes.
"Avec une bonne hygiène de vie, le bâtiment continue à s'élever", déclare le doyen, tellement modeste et à peine essoufflé.
- Battu "par un jeune de 80 ans" -
A côté, Michel Claverie est toujours en train de pester. "Merde alors, j'étais devant"... Le double champion de France, aux racines réunionnaises et pyrénéennes, était bien parti pour gagner. "J'avais un concurrent, un Japonais (en fait de nationalité brésilienne, ndlr) qui avait le même âge que moi et il m'a battu".
Sa compagne Jeanne avait bien senti juste avant la course combien il s'inquiétait de ces Japonais "très, très forts".
"L'an dernier, j'avais 84 ans et déjà je me suis fait battre par un jeune de 80 ans". Enfin, Michel Claverie court tout de même le 100 mètres en 17 secondes à 85 ans. Pas mal pour un athlète qui s'est mis à l'athlétisme... à 78 ans.
"Ces athlètes, ils sont comme les autres et ils ne veulent surtout pas qu'on les traite différemment. On prend juste quelques dispositions pour eux avec des lancers plus légers (pour les épreuves de poids, de disque, de javelot ou de marteau), ou des haies moins hautes et plus rapprochées", explique le directeur de la compétition.
D'ailleurs, ils sont tellement comme les autres qu'ils n'échappent pas aux contrôles antidopage. En bout de piste, Martine Prevost, médecin à la Fédération française d'athlétisme, guette pour cueillir les athlètes à peine leur course terminée.
Toutefois, précise-t-elle, "les personnes âgées qui ont des traitements quotidiens peuvent demander une autorisation" spéciale.