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Dopage et corruption font bon ménage dans le monde de l'athlétisme, comme semblent le prouver la mise en examen mercredi de Lamine Diack, ancien président de la Fédération internationale, et les fuites détonantes jeudi d'un rapport encore secret de l'Agence mondiale antidopage, mais pour certains le constat est plus nuancé.
"Le problème du dopage est mondial, mais la corruption n'est pas généralisée", veut ainsi croire Bernard Amsalem, président de la Fédération française d'athlétisme et membre du comité exécutif de l'IAAF, auprès de l'AFP.
Corruption passive et blanchiment aggravé: Lamine Diack, qui a dirigé l'IAAF pendant 15 ans jusqu'à l'été dernier, est au centre d'un réseau de corruption ayant couvert des cas de dopage, moyennant finances, selon la justice française mercredi.
Lui et deux de ses fils (Pape Massata et Khalil) seraient même impliqués, selon le site indépendant d'information Mediapart et le magazine Lyon Capitale, qui s'appuient sur un rapport établi par une commission indépendante de l'Agence mondiale antidopage (AMA), encore secret, et dont les conclusions doivent être rendues publiques lundi 9 novembre à Genève.
Ce réseau semble clairement centré sur le clan Diack, avec également le conseiller juridique de l'ancien président, Habib Cissé, et l'ancien responsable médical de l'antidopage de l'instance, Gabriel Dollé. Ces deux derniers ont également été mis en examen dans cette affaire par la justice française. Mais pas les fils Diack, pour le moment.
- Chantage aux athlètes -
La Fédération russe d'athlétisme elle-même n'aurait pas hésité à faire chanter ses propres athlètes pour qu'ils payent de leur poche le silence de l'IAAF sur leurs pratiques douteuses, selon le rapport lu par Mediapart.
A la tricherie du dopage se serait donc ajouté la corruption, à plusieurs niveaux.
"On parle d'un cas, et c'est possible, et j'attends que la justice fasse ce qu'elle a à faire. On a vu avec la Russie qu'une fédération pouvait couvrir des cas", admet Bernard Amsalem.
"Un Etat qui couvre des cas, ça ne me paraît pas possible", renchérit cependant Bruno Genevois, président de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). "Mais des fédérations qui couvrent, ce n'est pas impossible, même si ça suppose beaucoup de secrets, de cloisonnement ou alors beaucoup de complicités", note-t-il.
"On se pose des questions sur le Kenya, mais plus par absence même de moyens que par des complicités", développe Bernard Amsalem.
"En Europe de l'Est, c'est encore différent, il y a le passé qui laisse des séquelles. Mais je crois plus qu'il s'agit de groupes ou d'entraîneurs qui trichent, pas les Etats ou fédérations. Il faut garder espoir, avec l'aide de financement d'autres pays", souligne-t-il.
Avant le début des derniers Mondiaux de Pékin, cet été, l'athlétisme avait été ébranlé par des nombreuses affaires de dopage.
- 'On n'éradiquera jamais le dopage' -
En Russie, à la suite de reportages de la télévision allemande ARD qui ont débouché sur l'enquête actuelle, mais aussi au Kenya et aux Etats-Unis, avec les soupçons entourant Alberto Salazar , l'entraîneur du double champion olympique britannique Mo Farah .
Sur la piste, le duel entre Usain Bolt et Justin Gatlin -suspendu pendant 4 ans- s'est transformé en combat entre un athlétisme qui n'a pas triché, jusqu'à preuve du contraire, et un athlétisme victime des failles du système répressif antidopage.
Bruno Genevois ne souhaite pas pour autant stigmatiser "quelque sport que ce soit".
Sans aller jusqu'à qualifier l'athlétisme de +bon élève+ de la lutte contre le dopage, M. Genevois rappelle que ce sport, et en premier lieu son instance dirigeante mondiale l'IAAF, "a mis en place dès 2011 le passeport biologique".
"Le passeport biologique en athlétisme, c'est une bonne chose. Les contrôles rétroactifs qui ont débouché sur des sanctions a postériori, c'est aussi une bonne chose", rappelle-t-il.
"Il reste à savoir si c'est suffisant et là, je ne suis pas bien placé pour le savoir", explique M. Genevois.
Bernard Amsalem souligne une difficulté essentielle: "Ce n'est pas une question de mauvaise volonté, c'est une question de moyens. Tout dépend où on se trouve. Il y a peut-être 50 à 60% des pays qui peuvent avoir une vraie politique antidopage mais tous les autres ne peuvent pas", admet-il.
"Je pense qu'on n'éradiquera jamais le dopage, car une minorité de gens voudront toujours contourner la règle", lâche M. Amsalem.