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Le Tsar de la perche, l'Ukrainien Sergueï Bubka, et le nouveau Napoléon de la discipline le Français Renaud Lavillenie , se sont prêtés pour l'AFP à un entretien croisé, à la veille de Paris Perche samedi, une exhibition à une semaine du meeting Areva de Paris.
Les deux hommes s'accordent: "On peut battre un record, mais le secret pour durer, c'est comprendre que dès le lendemain celui-ci n'existe plus".
Q: Sergueï Bubka, en venant à Paris en 1985, aviez-vous idée que ce serait ici que alliez devenir le premier homme à franchir 6,00 m à la perche ?
R: Bubka: "Absolument pas. C'est à 5h du matin, en partant de Moscou, que notre fédération m'a dit que je sautais à Paris. Normalement, Paris n'était qu'un transit pour Nice, où je sautais deux jours plus tard ! Quand on est arrivé à Paris, je me suis rué à l'hôtel, j'ai préparé mon sac en cinq minutes. C'était totalement inattendu. J'étais effectivement en grande forme, mais c'était un meeting vraiment +anormal+. J'ai essayé 6 m parce que j'avais déjà la compétition en poche. Je l'ai fait au dernier essai, très heureux, mais finalement calme... car j'avais Nice peu après !"
Q: Et vous Renaud Lavillenie , était-ce aussi un soir anormal à Donetsk, chez Bubka, quand vous avez battu son record du monde en février dernier ?
R: Lavillenie: "En allant au stade j'étais confiant mais comme Sergueï je n'y pensais pas. Je voulais franchir 6 m, et voir ensuite. J'ai attendu longtemps, mais après mon premier saut, j'ai discuté avec mon frère Valentin et je lui ai dit: +je ne sais pas pourquoi, mais je vais le faire+. C'est une chose dingue, chez lui (il regarde Bubka). C'était aussi un jour étrange."
Q/Bubka: "Quand tu sautes avec ton frère, est-ce que ça t'aide ?"
R/Lavillenie: "J'aime être avec lui, on partage des choses. Il y a de l'intimité. Surtout à Donetsk, la Mecque de la perche, et je saute plutôt bien avec lui."
Q/AFP: Etait-ce la même complicité pour vous Sergueï, avec votre frère Vassili ?
R/Bubka: "Hé, c'est la famille ! Vous avez bien sûr des relations différentes avec votre frère. Mon frère et moi on s'aidait à construire notre carrière."
Q/AFP: Pensez-vous que la perche constitue une famille au sein de la famille de l'athlétisme ?
R/Bubka: "L'athlétisme, c'est vaste, il y a tellement de disciplines. Chacune a son type d'athlètes particulier. Les marcheurs, les lanceurs... il peut y avoir des similitudes. Mais dans la perche, vous concourrez longtemps les uns contre les autres, avec une culture du respect de l'autre, du gars qui s'envole malgré le vent."
Q/AFP: Faut-il être un peu fou ou très intelligent pour être perchiste ?
R/Bubka: "Pour être un bon perchiste, vous devez être un bon professeur. vous devez pouvoir calculer le vent, la météo, votre course, la flexibilité de votre perche. Vous devez être un ordinateur qui analyse sans arrêt tout cela. Et après, il faut gérer la pression du concours. L'attente, et puis allez haut, et plus haut encore ! Des fois on croit qu'on dort pendant un concours, mais on fait on réfléchit."
Q/Bubka: "Mais toi Renaud, pourquoi as-tu commencé à faire de la perche ?"
R/Lavillenie: "Mon père était perchiste. Une semaine après ma naissance, il m'a emmené à une compétition, il m'a pris et m'a déposé sur le matelas de réception alors que je ne mesurais que 50 cm. C'était ma première expérience ! J'ai aussi des images de moi, une perche à la main, en plein élan à quatre ans."
R/Bubka: "C'est fou, je comprends tout maintenant ! Tu étais né pour la perche."
Q/AFP: Même si vous n'êtes pas de la même génération, apprenez-vous quelque chose l'un de l'autre ?
R/Bubka: "Quand il a battu le record à Donetsk cet hiver, j'ai vu qu'il avait rapproché ses mains, sa prise sur la perche, et que ça changeait toute la dynamique de ses sauts."
R/Lavillenie: "C'est vrai ! Sergueï était proche de la perfection, j'ai regardé beaucoup de ses vidéos, pourquoi il était capable d'aller si haut. Après, chacun est différent, vous devez adapter à vos particularités. Et j'apprends de sa façon d'être bon partout, de gérer la pression, et il m'a dit comment faire !"
Q/AFP: Comment voyez-vous l'avenir de la perche ?
R/Bubka: "Très brillant, avec un gars comme ça (il montre Lavillenie). Ce qui compte, c'est de se remettre en question, toujours. Et c'est ce qu'il fait. On peut battre un record, mais le secret pour durer, c'est comprendre que dès le lendemain celui-ci n'existe plus."