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La pression est plus que jamais sur Sebastian Coe , le patron de l'athlétisme mondial: "La corruption était partie intégrante de l'IAAF" et ses dirigeants "ne pouvaient ignorer l'ampleur du dopage", a asséné jeudi la commission d'enquête indépendante de l'Agence mondiale antidopage (AMA).
Dick Pound, président de cette commission, a cependant pris soin de préciser lors d'une conférence de presse organisée à Munich (Allemagne) qu'il n'imaginait "personne qui pourrait mieux que Coe" mener les réformes à l'IAAF.
De quoi réjouir le double champion olympique du 1500 m (1980 et 1984), présent dans la salle, au milieu de journalistes venus du monde entier pour la publication du second volet de 89 pages d'un rapport explosif autour du dopage dans l'athlétisme russe.
"Si Coe avait été au courant de la corruption, il serait intervenu", a ajouté Pound, auteur principal du rapport, dans une volte-face impressionnante par rapport à ses propos du 8 janvier dans The Times où il affirmait que l'ancien patron des JO de Londres "avait eu l'occasion, il y a bien longtemps, de s'emparer des problèmes".
Après la Fédération américaine, Paula Radcliffe a elle aussi apporté son soutien à Lord Coe pour faire le ménage à l'IAAF: "Je crois sincèrement qu'il est quelqu'un qui se préoccupe de notre sport et se battra pour apporter les changements nécessaires", a affirmé la détentrice du record du monde du marathon sur Sky News.
Si Sebastien Coe est donc soutenu par la commission de l'AMA, il est sommé de réformer l'athlétisme mondial, à la tête duquel il a accédé en août, après 15 ans de règne du Sénégalais Lamine Diack.
- 'Brebis galeuses' -
"Le retour de la confiance va prendre beaucoup de temps et ce sera un processus douloureux", a reconnu l'Anglais, en estimant "répugnante" la corruption dévoilée.
Le 9 août, quelques minutes après son élection à la tête de la Fifa, le même Coe avait pourtant assuré vouloir "conserver les valeurs, l'héritage et les fondations solides léguées par le président Lamine Diack", aujourd'hui considéré comme "responsable d'avoir organisé la corruption au sein de l'IAAF", selon les termes accablants du rapport.
Fragilisé par le départ fin décembre de son bras droit, Nick Davies, soupçonné d'avoir tenté de retarder la révélation de cas de dopage russes, le patron des JO de Londres a aussi été mis en cause ces derniers mois pour ses liens avec Nike, avec qui il a dû couper les ponts après 38 ans de collaboration.
Si Coe est relativement épargné par le second volet du rapport, Dick Pound et ses assesseurs accablent l'IAAF: "La corruption ne peut être attribuée seulement à quelques brebis galeuses agissant de façon isolée", a accusé la commission dans son réquisitoire, qualifié de "très politique" par le ministre russe des Sports, Vitali Moutko.
Au chapitre corruption, la commission d'enquête de l'AMA a notamment mis l'accent sur la curieuse augmentation de 6 à 25 millions de dollars des droits de diffusion des Championnats du monde 2013 à Moscou par les télévisions russes, après un "accord de sponsoring" avec la banque russe VTB. Le tout après une réunion dans un hôtel moscovite, en 2012, impliquant notamment Papa Massata Diack, le fils de Lamine Diack, et Habib Cissé, le conseiller juridique du père Diack.
Pour la commission d'enquête, "il semble bien y avoir une connexion entre l'attribution des droits de diffusion télévisée à certains groupes en échange de la dissimulation des contrôles antidopage positifs d'athlètes russes".
- Le 'népotisme' du clan Diack -
Cette réunion est un exemple frappant du système organisé par le clan Diack, un "népotisme" que "le Conseil de l'IAAF (son gouvernement) ne pouvait ignorer", insiste le rapport, en pointant donc Papa Massata et Khalil, deux des 15 enfants de Lamine Diack, qui étaient employés par la Fédération, mais en marge de son organigramme officiel.
Déjà suspendu à vie par l'IAAF, Papa Massata Diack fait aussi l'objet d'un mandat d'arrêt international lancé par Interpol, depuis le 17 décembre, a précisé Eliane Houlette, patronne du parquet national financier français qui, après la publication du rapport de l'AMA, a fait le point à Munich sur l'enquête française.
Lancée en novembre par Interpol, pilotée par la France, l'enquête a été baptisée "Augias", comme les écuries qu'avait nettoyées Hercule dans la mythologie.
Lamine Diack, 82 ans, a été doublement mis en examen par la justice française, pour corruption passive et pour blanchiment aggravé et pour corruption. Habib Cissé et Gabriel Dollé, l'ancien directeur du département médical et antidopage de l'IAAF, ont également été mis en examen par la justice française.
Lamine Diack est soupçonné d'avoir reçu un million d'euros dans le cadre d'un système de chantage organisé où des athlètes, russes et autres, étaient rançonnés en échange de la non révélation de leurs contrôles antidopage positifs.
Deux mois après le premier volet, qui parlait au long de ses 330 pages d'"une culture profondément enracinée de la tricherie" dans l'athlétisme russe, Pound avait promis de nouvelles révélations "sidérantes" jeudi.
Rien pourtant sur le Kenya, alors que ce pays africain, arrivé en tête au tableau des médailles aux Mondiaux-2015 à Pékin, était dans le collimateur du Canadien.
"Nous savons qu'il y a un problème", a répété Pound, "mais nous n'avons pas enquêté sur le Kenya, cela ne faisait pas partie de notre mandat". "Il pourrait y avoir une autre commission d'enquête indépendante pour jeter un oeil au Kenya, une fois que la fumée se sera dissipée", a-t-il cependant prévenu.
Pour éviter une suspension similaire à celle qui risque de priver l'athlétisme des JO de Rio, le Kenya a lui promis d'éradiquer le dopage, car ses athlètes sont les "ambassadeurs N.1" du pays.