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"J'ai fait la course de ma vie à Zurich", s'est exclamé Yohann Diniz pour qualifier vendredi la portée d'un troisième titre consécutif de champion d'Europe du 50 km marche, une première assortie d'un somptueux record du monde (3 heures 32 minutes 33 sec).
"La course de ma vie", et même de toute une vie. Depuis le temps que le Rémois, âgé de 36 ans, use les semelles sur le macadam.
Et comme un marcheur, "ça peut avoir des références", l'intéressé a cité le Letzigrund, l'enceinte mythique aux 25 records du monde dans sa construction antérieure, qui accueille la 22e édition des Championnats d'Europe d'athlétisme.
La 26e marque planétaire à l'actif de Zurich s'est donc inscrite hors stade, sur les quais de la rivière Limmat, au centre-ville.
La marche, discipline mal aimée du premier sport olympique, a pris sa revanche par une matinée pluvieuse.
- Trou noir -
Diniz, lui, est revenu de "quatre ans d'un grand, grand, grand trou noir". Les blessures, les coups de moins bien. Et un chemin de croix dont les stations s'appellent Pékin/JO-2008 (abandon), Mondiaux-2009 de Berlin (12e), Daegu (Corée du Sud/Mondiaux-2011), où il avait été +sorti+ pour marche incorrecte alors qu'il menait grand train. Puis Londres, aux Jeux-2012, où, malgré une chute, il avait terminé huitième après moultes péripéties (chute notamment), avant d'être disqualifié pour ravitaillement hors zone.
En 2013, à Moscou, au bord de l'abandon, il avait tenu à terminer dans l'anonymat d'une dixième place. Mais c'est bien dans la capitale russe qu'il avait entrevu la lumière. Il lui avait alors fallu se séparer de Pascal Chirat, son entraîneur et manager de la marche athlétique en équipe de France. Parce que l'affectif masquait les problèmes.
Diniz a donc remis les choses à plat et retrouvé un entraîneur dans son club de Reims, Gilles Rocca. Il a aussi écouté le technicien italien Pietro Pastorini, qui lui "a apporté de très bons conseils pour changer (sa) technique et ne plus avoir de problèmes avec les juges".
Ainsi remis sur rails -légion à Zurich où le tramway est roi-, Diniz est reparti. "Je ne savais pas vraiment ce que je valais. C'était mon premier 50 km cette saison. Mais j'avais travaillé toutes les allures, du 5 au 50 km", a rappelé le Champenois, devenu un forçat de la natation après une fissure osseuse à un talon en février dernier.
- Phénoménal -
"Il a traversé d'énormes épreuves et là il sort quelque chose de phénoménal. Il ne fait rien à moitié", a insisté Jean-Michel Serra, médecin des corps et des âmes en équipe de France.
"Aujourd'hui, à partir du 10e km, ça a commencé à le déranger au niveau du ventre. On a géré sur les ravitaillements pour lui permettre de passer le cap douloureux", a souligné le +doc+. On a ainsi vu Diniz vider des bouteilles d'eau dans son short tout en s'efforçant de sourire.
Le forçat de la route n'a pas oublié d'où il venait. "L'athlétisme m'a sauvé la vie", a-t-il répété, référence au temps du service civil qu'il avait fait dans un quartier difficile de Reims, où le club local lui avait fait découvrir la marche.
Et puis il a remonté sa généalogie en franchissant la ligne de la délivrance avec deux drapeaux: le bleu-blanc-rouge dans la main droite, les couleurs du Portugal dans la gauche. Un hommage à ses origines paternelles, au grand-père Xavier et à la grand-mère Roberte "qui m'ont aidé de là-haut". Yohann a levé son visage décharné vers un ciel lourd de nuages. Un instant de grande émotion aussi pour toute la +Sainte Famille+, venue de Champagne. Son épouse Céline, ses enfants Louise et Antoine, sa s?ur Céline en larmes.
Seul manquait Pascal, le père, qui craint trop le stress et qui fêtait ses 55 ans en ce jour de l'Assomption.