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© AFP/Karim JAAFAR
Le coureur kényan Michael Douglas Ongeri lors d'un entraînement nocturne à Doha, le 16 août 2016
Fin d'après-midi à Doha, plus de 40°. A peine finie sa vacation de 13 heures en tant qu'agent de sécurité, Michael Douglas Ongeri se lance dans une marche de huit kilomètres en direction du centre-ville.
Malgré la chaleur et l'humidité étouffante, ce Kenyan de 22 ans enfile ensuite un short et un tee-shirt pour courir une douzaine de kilomètres dans l'Aspire Park. Quand il a fini, il lui reste encore trois kilomètres pour rentrer chez lui.
Le rêve de Michael est de devenir coureur international : lorsqu'il court dans le parc, il s'imagine fouler la piste du Stade Khalifa proche qui accueillera les Championnats du monde d'athlétisme en 2019 au Qatar.
Pour cela, le jeune homme est prêt à tous les sacrifices. Comme celui de ne pas manger avant de courir lorsqu'il se retrouve à court d'argent à l'approche du jour de sa paie mensuelle (1.400 riyals - 340 euros). Sans compter la fatigue, puisqu'il dort à peine cinq heures dans une chambre partagée avec cinq autres personnes.
"On s'y habitue", explique le Kenyan à l'AFP juste avant un nouvel entraînement. "Je dois le faire (...) j'aime courir et je dois courir".
- 'Un bon style' -
S'ils sont nombreux à cultiver une telle ambition, Michael a cependant une petite chance si l'on en croit Liz McColgan , qui a été championne du monde du 10.000 m, médaillée d'argent aux jeux Olympiques de Séoul (1988) et qui a remporté les marathons de New York et de Londres.
"Il est talentueux et je pense qu'il peut réaliser son rêve sur le 1.500 ou le 5.000 m" estime-t-elle. "Il a vraiment un bon style".
L'ex-championne écossaise est basée au Qatar depuis deux ans et demi. Elle a fondé et gère le Doha Athletics Club (DAC) avec son époux, John Nuttall, qui a participé aux JO en 1996.
Sa fille, Eilish, vient de courir la finale du 5.000 m à Rio.
"Michael (...) m'a envoyé un mail sur le site du DAC et je l'ai vu s'entraîner seul au parc", raconte-t-elle, notant qu'il était "inhabituel de voir quelqu'un courir aussi vite".
"Allez Michael! Arrête d'être paresseux", crie en plaisantant John Nuttall, alors que le Kenyan accélère le rythme pour bien marquer sa différence par rapport aux autres coureurs.
"Madame Liz" --c'est comme ça que Michael l'appelle-- redoute que les espoirs du jeune homme de devenir professionnel ne soient menacés en raison du peu de temps qu'il peut consacrer à son entraînement.
- 'J'y arriverai' -
© AFP/Karim JAAFAR
Le coureur kényan Michael Douglas Ongeri pose après un entraînement nocturne à Doha, le 16 août 2016
"Malheureusement, il travaille à des heures impossibles et ne peut courir qu'une fois par jour", dit-elle. "S'il voulait concourir à l'échelle internationale, il faudrait qu'il coure deux fois par jour".
Michael a grandi dans la pauvreté dans la province de Nyanza, dans l'ouest du Kenya. Il aimait courir mais, étant l'aîné de cinq enfants, il a dû mettre de côté sa passion.
"J'ai vécu des moments difficiles. Je devais nourrir ma famille". Le Kenyan a fini par travailler dans la même ferme que son père et sa mère avant de prendre la direction du Qatar avec l'espoir de gagner plus d'argent et de pouvoir courir enfin.
Pour se rendre dans le Golfe, il a dû payer environ 900 euros à un agent, somme qu'il n'avait pas. Il a emprunté à un Italien qui l'avait employé dans un magasin au Kenya et s'est engagé à le rembourser.
Trois ans plus tard, il a tout juste fini de payer sa dette mais, avec l'argent qu'il envoie à sa famille, Michael survit à Doha avec environ 115 euros par mois.
"Tout le monde (au Kenya) se tourne vers moi: s'il te plaît, j'ai besoin de ceci ou de cela. C'est difficile. Doha est un endroit très cher".
Alors que la température descend finalement sous les 40 degrés, après une heure de course, Michael reste plus que jamais déterminé. "C'est mon rêve. J'y arriverai".