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Moses Kiptanui , l'ancienne légende kényane du 3.000 m steeple, s'étonne dans un entretien avec l'AFP que le président de la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF), l'Anglais Sebastian Coe , "n'ait pas senti" plus tôt qu'il y avait un problème avec le dopage au sein de l'institution.
Triple champion du monde du 3.000 m steeple (1991, 1993, 1995), Kiptanui est très critique envers Coe qui, avant de prendre la présidence de l'IAAF en août 2015, en avait été depuis 2009 l'un des quatre vice-présidents.
Q: Vous avez depuis longtemps dénoncé l'existence du dopage dans l'athlétisme kényan et mondial...
R: "Pendant toutes ces années, personne ne m'a écouté. Je voulais améliorer les choses. Je voulais changer la constitution de la Fédération kényane d'athlétisme (AK). Il y avait tant de choses qui nécessitaient d'être changées. Je déteste voir l'athlétisme être gâché de la sorte. Cela a vraiment affecté la manière dont je voyais l'athlétisme. Je me sens touché et frustré."
Q: Les révélations sur le dopage dans l'athlétisme kényan et la corruption au sein de la Fédération confirment que vous aviez raison...
R: "Maintenant que tout a été révélé, je suis un homme heureux. Pas heureux parce que certaines personnes ont été suspendues (comme l'ex-président d'AK, Isaiah Kiplagat, ndlr), mais parce que la vérité a éclaté. Quand les gens me regardaient courir, ils voulaient voir un sport réglo. Mais ça ne l'est plus aujourd'hui."
R: Vous étiez pressenti pour prendre un jour la tête d'AK, et finalement vous avez été écarté de la Fédération. Pourquoi ?
Q: "Les gens qui veulent rendre l'athlétisme propre au Kenya sont toujours rejetés. Parce qu'on craint qu'ils ne révèlent tout le mal que les autres ont commis. Même s'ils m'appelaient aujourd'hui à l'AK, je ne suis plus intéressé. Alors qu'il y a huit ans, je le voulais de tout mon coeur."
Q: Et si on vous proposait de prendre des fonctions à la Fédération internationale, l'IAAF ?
R: "Si on me disait d'aller à l'IAAF aujourd'hui, je n'irais pas. L'une des raisons, c'est que Sebastian Coe a été là depuis huit ans (depuis 2009 en fait, ndlr). Il n'a pas senti qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas à l'IAAF ? Qu'est-ce qui en fait quelqu'un de bien aujourd'hui ? Et Serguey Bubka ? Et tous les anciens grands athlètes qui ont été là avant ? Ils n'ont pas senti que quelque chose n'allait pas ?"
Q: Pensez-vous que l'IAAF a pris la mesure de ce qui se passait et que les choses vont changer ?
R: "Je ne pense pas que grand-chose va changer. Parce que ce n'est pas quelque chose qui a commencé hier. Ca a commencé il y a des années. Et les racines sont solides. Pour les enlever, il vous faudra un bulldozer. Et je ne sais pas qui sera ce bulldozer. Sebastian Coe a été là pendant huit ans comme vice-président de l'IAAF. Il n'a rien senti ? En huit ans. Si Sebastian Coe démissionne aujourd'hui, je le considérerai comme quelqu'un de franc. Mais s'il continue à prétendre qu'il ne savait rien... Ce gars a reçu de l'argent de Nike pendant tant d'années (ndlr: Coe a dû renoncer fin novembre à son contrat d'ambassadeur de Nike après avoir été accusé de conflit d'intérêts dans l'attribution des Mondiaux-2021 à Eugene, ville d'origine de la marque américaine)."
Q: Comment envisagez-vous l'avenir de l'athlétisme mondial et kényan ?
R: "S'ils ne font rien, ce sport va dépérir. Il faut punir les gens. Même les suspendre à vie, pour certains d'entre eux. Deux ans, ce n'est rien. Le message doit être très clair: on peut encore être numéro un sans se doper. Plus de 40 athlètes kényans ont été suspendus. Mais nous avons encore de bons athlètes qui sont propres et gagnent des courses. Nous devons les soutenir, les protéger. Si les dirigeants (au sein d'AK) changent, les choses s'amélioreront peut-être. Mais ça ne va pas se faire d'un seul coup. Cela prendra quelques années. Mais il faut avoir les bonnes personnes en place. Est-ce que nous les avons ? Je ne sais pas."