Happy Birthday : |
© AFP/Luis Acosta
La championne Yoreli Rincon, le 13 février 2017 à Tunja, à quelques jours du début du championnat professionnel féminin en Colombie
"Mon papa me crevait les ballons avec un couteau": des obstacles, Yoreli Rincon a dû en faire tomber beaucoup pour devenir la pionnière du football professionnel féminin de Colombie, elle qui va enfin pouvoir jouer sur ses terres dans un championnat professionnel.
L'obstination paie souvent. Yoreli Rincon ne le démentira pas, elle qui a tout fait pour que ce championnat inédit, qui débute vendredi, voit le jour. Et cette joueuse de milieu de terrain de 23 ans est loin d'en avoir fini.
"J'ai toujours marqué l'histoire dans ce que j'ai fait et (...) je veux être championne", confie-t-elle à l'AFP dans sa maison de Duitama, dans les montagnes du centre de la Colombie, où s'entraîne l'équipe Patriotas, dont elle est l'élément central.
Alors qu'elle est en pleine préparation, elle peut compter sur le soutien de sa famille - fini le décalage horaire quand elle évoluait en Europe - et de ses amis qui ont promis de venir la voir jouer.
Arriver jusqu'ici n'a pas été facile pour la jeune femme.
Yoreli a lutté pour la création d'une ligue professionnelle féminine en Colombie, tout comme elle avait dû se battre depuis toute petite pour pouvoir se consacrer au football.
Si son frère aîné lui faisait répéter les jeux de jambes des "Galactiques", la génération dorée des années 2000 du Real Madrid, son père ne partageait pas le même enthousiasme : "Mon papa me crevait les ballons avec un couteau", raconte-t-elle.
Quand il l'a vue jouer pour la première fois, dans sa ville natale de Bucaramanga (est), elle a marqué trois buts. Elle n'avait que huit ans. "Il est resté abasourdi et depuis c'est mon fan numéro un", sourit-elle aujourd'hui.
- 'Ouvrir cette porte' -
Puis est venue la séparation avec sa famille à l'âge de 12 ans, quand elle est partie à Tolima, à 500 kilomètres de là, faute d'avoir été retenue dans la sélection locale. Certains jours, elle devait "donner des cours de football" dans la rue pour pouvoir se payer le car.
Ses efforts ont été récompensés quand, à 14 ans, elle est entrée dans la sélection nationale. A 19 ans, elle était recrutée par un club brésilien, à Piracicaba (sud).
"Je sentais que j'étais en train de conquérir quelque chose que personne n'avait jamais réussi dans un pays si machiste", se remémore-t-elle à propos de ce premier contrat, signé en 2012.
"N'importe quelle fille aujourd'hui peut le faire, beaucoup de mes camarades de jeu évoluent à l'étranger et c'est un bonheur d'ouvrir cette porte", se réjouit Yoreli.
Après le Brésil, elle a joué en Suède, en Norvège, aux Etats-Unis et en Italie, disputant quatre mondiaux avec la sélection colombienne.
Son ultime combat, lui aussi couronné de succès: organiser un championnat des clubs féminins dans son pays.
Yoreli "s'est battue contre la ligue professionnelle qui a finalement cédé car elle s'est associée à deux ou trois autres joueuses pour faire du lobbying", raconte son entraîneur Mauricio Galindo.
- 'Etre comme elle' -
La joueuse aux crampons jaunes, qui aime lire des biographies de sportifs comme Cristiano Ronaldo - une "machine", dit-elle avec admiration - ou des romans de Paulo Coelho - qui l'"aident beaucoup psychologiquement" - se prépare avec enthousiasme à ce nouveau défi.
"Je demandais depuis toujours un championnat pour les femmes et maintenant que ça arrive, ne pas y être serait vraiment une bêtise", affirme-t-elle.
Même si elle était mieux payée quand elle jouait à l'étranger, Yoreli n'a pas hésité à revenir en Colombie pour donner l'impulsion à ce championnat, qui démarre vendredi avec 18 équipes, pour une durée de seulement six mois et un budget 15 fois moins élevé que son équivalent masculin.
Yoreli a aussi un attachement particulier pour son équipe actuelle, les Patriotas. "Le président, César Guzman, me connaît depuis que j'ai 14 ans, quand je n'avais pas d'argent pour les transports et l'alimentation et il m'a parrainée", se souvient-elle, reconnaissante.
Il lui a permis de constituer elle-même une partie de l'équipe, ce qu'elle a fait avec brio, parvenant à faire venir quatre joueuses brésiliennes. Les Patriotas comptent aussi une Vénézuélienne et une Équatorienne.
"On veut toutes être comme elle", assure Carla Da Silva, la gardienne brésilienne de 19 ans, ce à quoi renchérit la Vénézuélienne Natasha Rosas, 13 ans: "C'est un honneur de jouer aux côtés de Yoreli".