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© AFP/Jeff Pachoud
Vue du site de construction du Stade des Lumières de Lyon, où les travaux viennent tout juste de débuter, le 22 octobre 2012 à Décines, près de Lyon.
"Si on prend six mois de retard dès la première année, ça commence à sentir très mauvais", commente François Clément, architecte expert en création d'enceintes sportives chez Populous, interrogé par l'AFP sur les stades de l'Euro-2016 en France.
Q: Comment jugez-vous l'état global des stades français en vue de l'Euro-2016?
R: "Il y avait un grand besoin de renouveler le parc immobilier des stades. Certaines agglomérations n'ont pas été en mesure de tenir leur programme mais la France aura un panel de bonne qualité. On va réaliser le stade de Lyon pour l'OL, mais la spécificité de la France c'est que souvent, ils appartiennent aux villes".
Q: Le calendrier imposé vous inquiète-t-il?
R: "L'UEFA fait très attention à ce que tout le parc soit bien réalisé. Je n'ai pas l'impression qu'il y ait des problèmes. Plutôt que quelques stades seulement ont des difficultés. La France a fait des efforts assez importants pour accueillir l'Euro. Ce sont des projets lourds et on ne peut pas savoir en amont quel en est le risque. Un stade, c'est deux ans d'étude et trois ans de mise en oeuvre. Si on prend six mois de retard dès la première année, ça commence à sentir très mauvais".
Q: La crise économique mondiale ralentit-elle le projet?
R: "La crise a commencé après l'attribution de l'Euro à la France. Il y a un impact à la marge. Les difficultés actuelles, s'il y en a, ne sont certainement pas dues à la crise. Au contraire, le développement d'équipements sportifs dans la période actuelle fait partie des meilleurs moyens pour relancer l'économie. C'est un appel d'air car on met des gens au travail. Et l'ensemble des villes a reçu une manne gouvernementale".
Q: Quelles différences existent entre les stades d'hier et ceux de demain?
R: "Dans les stades les plus récents, les salons premiums sont ouverts sur la zone de jeu. C'est la mise en relation des joueurs avec les spectateurs. Les gens ne viennent plus pour consommer le spectacle mais pour passer un moment en famille, recevoir des clients".
Q: Concrètement, qu'est-ce-qui marche ou pas?
R: "Avec le développement de certains logiciels, si vous allez au stade avec votre fils, que vous mangez deux croque-monsieur et que vous achetez une écharpe, l'exploitant peut le savoir. Et la fois suivante, il peut vous fidéliser en vous proposant ça et un bonus contre un léger supplément. Par contre, les hôtels dans les stades n'ont pas trop été développés. Peut-être parce qu'on n'a pas réussi à trouver comment faire son beurre dessus".
Q: Après le gigantisme du passé, la tendance est-elle à des capacités plus modestes?
R: "Ces questions doivent être mises en perspective avec le taux de sièges VIP qui permettent le fonctionnement de la machine. Ce n'est pas la billetterie qui fait marcher le stade. En règle générale, les zones VIP pèsent 10 à 15% de l'ensemble de la capacité. Pour l'instant, on n'entend pas parler de capacités supérieures à 60.000 places".
Q: La France, malgré une culture différente, s'apprête-t-elle à copier le modèle anglais en draguant les VIP au détriment des couches populaires?
R: "Ce n'est pas tout à fait vrai même si les couches populaires ont effectivement disparu dans les très nouveaux stades en Angleterre. Mais pas à Chelsea ou Manchester. Tous les programmes que j'ai vus passer en France font la part belle aux pourcentages de sièges grand public. Certains augmentent le prix du billet mais pas au point de pousser les couches populaires dehors. La peur de leur perte me semble surdimensionnée. Car cela équivaut très souvent à la perte d'atmosphère et les clubs ne peuvent pas se le permettre".
Q: L'ambiance créée par les couches populaires ne serait donc pas qu'un argument pour motiver la venue de clients aisés?
R: "Je ne me permets pas de penser qu'on donne des cacahuètes aux singes pour amuser ceux qui sont au balcon. Dans les faits, on voit le développement de buvettes. Mais on ne peut pas mettre du marbre au sol pour ceux qui paient 15 euros. Les concepteurs de stades imaginent des espaces meilleurs pour tous".
Propos recueillis par Colin DRONIOU